Dans l’ombre du Kremlin, l’autre cœur battant de la Russie a tendu la main au Mali. À Kazan, capitale industrielle du Tatarstan, le Président Assimi Goïta a trouvé plus qu’un partenaire technique : un miroir stratégique pour les ambitions industrielles, éducatives et diplomatiques de Bamako. À la clé, des partenariats concrets, une convergence géopolitique assumée, et un message limpide : le Mali regarde vers l’Est, mais pas seulement Moscou.
Depuis que le Mali a choisi de diversifier ses alliances, la boussole diplomatique de Bamako n’a eu de cesse d’explorer de nouveaux azimuts. Après Moscou, c’est à Kazan que le Général Assimi Goïta a posé sa vision d’un partenariat au pluriel. Une visite discrète, certes, mais lourde de signification. Dans la logique d’une diplomatie décentralisée, Kazan, capitale d’un Tatarstan aussi musulman qu’industriel, s’est imposée comme l’un des carrefours potentiels du « Mali nouveau ».
Kazan, capitale d’un pacte industriel en gestation
Le 25 juin 2025, à l’aéroport international de Kazan, l’accueil est soigné, presque cérémonial. Pain et sel selon le rite russe, tchak-tchak à la mode tatare – rien n’est laissé au hasard. Le Président Roustam Minnikhanov, en homme d’affaires averti, reçoit son homologue malien avec une chaleur toute orientale, entouré de figures de poids comme le vice-ministre russe de la Défense, Iounous-Bek Evkourov. L’enjeu dépasse le symbolique, il s’agit d’arrimer le Mali à l’écosystème économique et industriel le plus dense de la Fédération de Russie.
Pourquoi Kazan ? Parce que cette ville est le noyau dur d’une Russie industrielle qui ne dit pas son nom. Ici sont conçus les célèbres hélicoptères Mi-8 et Mi-38, produits dans les ateliers des Hélicoptères Kazan. Là-bas, les camions Kamaz, véritables monstres de la route, sortent chaque jour des chaînes de montage. Ce savoir-faire intéresse Bamako au plus haut point. Goïta ne s’en cache pas : la coopération avec Kamaz et d’autres géants industriels est en ligne de mire. Objectif ? Réindustrialiser le Mali, secteur par secteur.
De l’or malien à la haute technologie tatare
Les discussions entre les deux délégations ne sont pas restées lettre morte. Déjà, le projet de raffinerie d’or à Bamako, porté par la société Yadran, avance. Mais Kazan veut voir plus loin : exploitation minière, agro-industrie, transfert de technologie, infrastructures, tout est sur la table. Et la formule magique est lancée par Minnikhanov lui-même : « L’Afrique est un partenaire stratégique. » Traduction : le Tatarstan veut sa part de l’or noir, jaune, vert du continent, et le Mali pourrait bien en être la porte d’entrée.
La force du Tatarstan ne se limite pas à l’industrie lourde. Avec ses universités de haut niveau, Kazan accueille aujourd’hui 35 étudiants maliens. Goïta l’a compris. C’est aussi dans les amphis que se dessinent les coopérations durables. Minnikhanov, habile, pousse le curseur plus loin en conviant le Mali au prochain Forum Russie-Monde islamique de 2026. Entre finance islamique, industries halal et diplomatie spirituelle, l’offre est complète. Et le message sous-jacent est clair : ici, à l’est de Moscou, l’Afrique n’est pas un prétexte, mais une priorité.
Kazan, prélude à une nouvelle route de la coopération russo-malienne ?
Dans un contexte où l’axe Bamako-Moscou se consolide autour d’un nouveau logiciel sécuritaire, le détour par Kazan ressemble à une manœuvre fine. Loin du ton martial, cette escale tataro-malienne fait la part belle à l’économie, à la formation, à l’avenir. C’est la diplomatie des outils et non celle des slogans, à l’image d’un Mali qui veut écrire sa propre équation géopolitique.
Si la visite de Goïta en Russie restera marquée par la signature de trois accords majeurs à Moscou, c’est peut-être à Kazan que s’est dessiné l’avenir industriel du Mali. En pariant sur le Tatarstan, Bamako pose les jalons d’un partenariat ciblé, équilibré, fondé sur la complémentarité. Dans le grand jeu russo-africain, le Mali ne joue plus le rôle d’un pion. Il avance, stratégie en main, sur plusieurs échiquiers. Et Kazan pourrait bien en être l’un des coups les plus prometteurs.
A.D
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