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À Awaza, la Confédération AES plaide pour un « multilatéralisme à visage humain »

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Depuis les rives de la Caspienne, à Awaza, le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga a porté haut la voix de la Confédération des États du Sahel (AES), appelant à un multilatéralisme solidaire, centré sur l’humain, loin des logiques de domination et de sanctions arbitraires.

Il est des discours qui résonnent au-delà des murs feutrés des conférences internationales, parce qu’ils ne se contentent pas de réciter une litanie diplomatique convenue, mais s’ancrent dans une réalité tangible, charnelle, parfois brutale. Celui prononcé par le général Abdoulaye Maïga, Premier ministre malien, à la tribune du sommet des Pays en Développement sans Littoral (PDSL), le 5 août à Awaza, en fait partie.

En porte-voix d’une Confédération encore jeune, mais déjà combattive — celle née du pacte entre Bamako, Ouagadougou et Niamey —, en septembre 2024 à travers la charte du Liptako-Gourma, le chef du gouvernement malien n’a pas seulement exposé les défis logistiques ou commerciaux des États de l’hinterland sahélien. Il a formulé une vision. Une exigence. Une ambition. Celle d’un « multilatéralisme à visage humain ». Non pas cette façade policée d’une gouvernance mondiale souvent déconnectée, mais un ordre international rééquilibré, respectueux de la souveraineté et soucieux du sort réel des peuples.

Du droit d’accès à la mer à la souveraineté économique

La Confédération AES, a rappelé Maïga, est ce bloc continental de 2,8 millions de km² et 75 millions d’habitants, encerclé par 11 voisins côtiers, riche d’un sous-sol convoité et d’une jeunesse bouillonnante. Mais elle est aussi — et surtout — l’illustration contemporaine d’une anomalie persistante : être privé de son droit d’accès à la mer, pourtant consacré par les conventions internationales. Ici, le propos devient tranchant : dénonçant les blocus et les mesures coercitives déguisées en politiques de pression, le Premier ministre malien appelle à une solidarité agissante, et interpelle frontalement les Nations unies sur leur silence face à ces violations répétées.

Maïga n’élude pas les faiblesses internes. Il les retourne même en tremplins. Oui, l’AES est enclavée. Oui, elle a connu instabilité et prédation. Mais elle a choisi, désormais, la voie d’un développement endogène, débarrassé des injonctions extérieures. Industrialisation, transformation locale des ressources, investissement massif dans les infrastructures, création d’une Banque Confédérale pour l’Investissement et le Développement. Le discours est structuré, les jalons posés.

La souveraineté, fil rouge d’une nouvelle narration sahélienne

Mais au-delà des chiffres et des programmes, c’est un ton, presque une posture, qui retient l’attention. Celle d’un bloc qui ne quémande pas, mais propose. Qui ne s’excuse plus, mais revendique. Loin des caricatures d’un Sahel sinistré, Abdoulaye Maïga oppose une autre narration : celle d’une terre d’opportunités, non d’une zone à sécuriser sous tutelle. « Notre narratif est que le Sahel reste une terre d’opportunités », martèle-t-il. Une manière claire de rompre avec une certaine rhétorique humanitaire ou sécuritaire, souvent utilisée par les bailleurs pour masquer des intérêts moins altruistes.

Le discours d’Awaza, à sa manière, propose un nouveau pacte : coopérer, oui, mais sur la base d’une relation équilibrée et mutuellement bénéfique. La Confédération AES ne rejette pas la coopération, mais elle en redéfinit les conditions : respect de la souveraineté, reconnaissance des choix stratégiques, prise en compte des intérêts vitaux des populations. Fini donc les partenariats à sens unique.

Une Confédération qui bouscule les codes

À entendre le Premier ministre malien, l’AES ne veut plus être perçue comme une anomalie géographique à assister, mais comme un acteur géopolitique à considérer. Elle n’est pas un « problème » régional, mais une réponse africaine à la crise du multilatéralisme global. Dans un monde où les règles du jeu sont de plus en plus contestées, son discours prend des allures de manifeste. Celui d’un Sud global qui s’organise, s’affirme et cherche désormais à peser dans la redéfinition des normes.

Au final, derrière la technicité du propos, c’est un véritable plaidoyer pour un multilatéralisme refondé, recentré sur l’humain, que le général Maïga aura porté. En creux, une mise en garde : l’histoire ne s’écrit plus dans les chancelleries du Nord, mais aussi — et de plus en plus — dans les déserts, les fleuves et les capitales du Sahel.

Chiencoro Diarra 


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