À l’approche des vacances scolaires, les familles maliennes s’organisent selon leurs réalités pour occuper utilement leurs enfants. Entre départs en milieu rural, cours de soutien, activités sportives ou apprentissage de l’informatique, chacun cherche la formule la mieux adaptée à son cadre de vie et à son budget. Les initiatives locales se multiplient pour encadrer les jeunes et éviter l’oisiveté. Ce reportage propose un regard sur la diversité des stratégies adoptées par les parents, entre exigences éducatives, contraintes économiques et volonté de préserver les repères sociaux et familiaux.
Dans la chaleur de l’après-midi à Bacodjicoroni, Assitan Traoré nous explique qu’elle préfère envoyer ses trois enfants chez leur grand-mère à Dioïla pour les vacances. « Là-bas, ils vont apprendre à s’occuper d’eux-mêmes, à connaître leur culture et surtout à fuir les mauvaises fréquentations de Bamako », confie-t-elle. Ce choix est aussi dicté par les contraintes économiques. « Payer un centre de loisirs, ce n’est pas à la portée de tout le monde », ajoute Assitan.
Comme elle, beaucoup de familles maliennes voient dans les vacances scolaires une opportunité de renouer les enfants avec les réalités rurales, les coutumes familiales et les grands-parents, tout en réduisant les frais d’encadrement en ville. C’est le cas aussi de Maouloud Arby, habitant de Tiebani, qui envoie chaque année ses enfants à Tombouctou pour leur permettre de découvrir une ville riche en histoire et en culture. « C’est une expérience unique où ils peuvent mieux comprendre leurs racines, passer du temps avec leurs cousins, et s’immerger dans un environnement chargé de traditions et de patrimoine », explique-t-il.
À Sebenicoro, Amadou Sidibé, fonctionnaire de la santé, partage cette préoccupation. Lui a préféré inscrire ses deux garçons à des cours de soutien organisés par un enseignant du quartier. « Les enfants oublient vite. Mieux vaut qu’ils consolident leurs bases en maths et en français ».
Cours de soutien et initiatives communautaires
Dans ce quartier populaire, les initiatives communautaires se multiplient. Certains jeunes diplômés organisent des séances de renforcement scolaire à prix modique ou animent des clubs de lecture dans les concessions. C’est le cas de Mahamadou Sangaré, diplômé en lettres modernes, qui regroupe chaque matin une quinzaine d’enfants dans la cour de sa maison pour des révisions. « On ne peut pas se croiser les bras pendant trois mois et attendre la rentrée », explique-t-il.
Au quartier Golf, les réalités sont un peu différentes. Plus résidentiel et abritant une classe moyenne, ce quartier voit fleurir des initiatives privées, notamment des colonies de vacances, des stages de football et des ateliers d’informatique. Mariam Keïta, mère de deux enfants scolarisés dans une école privée, explique : « J’ai voulu profiter de ces opportunités pour que mes enfants découvrent de nouvelles activités et développent leurs talents en dehors de l’école. Cet été, ma fille et mon fils prendront des cours en informatique ici à Bamako ».
Vacances éducatives et gestion du budget familial
Pour Mariam, les vacances doivent aussi être des moments d’apprentissage autrement. « L’école ne fait pas tout. Ces expériences renforcent leur confiance, leur curiosité, et les occupent utilement ».
Ce compromis reflète la réalité de nombreux ménages maliens cette année : la flambée du coût de la vie impose des arbitrages. À cela s’ajoute le souci de sécurité. « Les enfants ne peuvent plus se promener n’importe où. Il faut toujours les surveiller ou s’assurer qu’ils sont dans un cadre encadré », indique Awa Dembélé, habitante de Bacodjicoroni.
Pour certains parents, les vacances sont aussi l’occasion d’initier leurs enfants aux responsabilités. Dans une concession de Sebenicoro, on retrouve Aïssata Diarra, 13 ans, en train de vendre de l’eau glacée au bord de la route. Elle aide sa mère, vendeuse ambulante, durant l’été. « Ça l’occupe et elle apprend à gérer l’argent », dit sa mère, Fanta Diarra, qui assume pleinement ce choix. Loin d’être une exception, cette implication des enfants dans les activités économiques familiales est une pratique courante pendant les vacances, surtout dans les quartiers populaires.
Des initiatives locales pour des vacances culturelles
Modibo Coulibaly, entraîneur de football dans le quartier de Tiebani et acteur de cette initiative communautaire, souligne l’importance de telles activités. « L’objectif est d’offrir aux enfants un cadre sain et encadré pour se distraire. Il faut éviter qu’ils passent leurs journées scotchées aux téléphones ou livrés à eux-mêmes dans la rue ».
Cette dimension culturelle des vacances n’est pas négligeable. Elle permet de transmettre des valeurs essentielles en dehors du cadre scolaire. Il faut aussi noter que malgré la diversité des approches, une constante demeure, notamment le souci de bien encadrer les enfants et d’occuper utilement leur temps libre. « C’est un défi chaque année », résume Aminata Maïga, mère de cinq enfants à Sebenicoro. « Mais on fait de notre mieux, selon nos moyens, pour qu’ils passent de bonnes vacances sans dérives ».
Ainsi, dans ces différents quartiers de Bamako, les préparatifs des vacances scolaires traduisent une diversité d’initiatives et une ingéniosité remarquable des familles maliennes. Entre rattrapages scolaires, voyage chez les parents, activités culturelles, ou petits boulots d’appoint, chacun trouve une formule adaptée à son contexte. Les vacances ne sont pas un luxe, mais un moment stratégique pour préparer les enfants à affronter la prochaine rentrée scolaire et la vie.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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