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Les femmes et les jeunes filles sont les plus exposées (on dirait) à la crise sécuritaire au centre du Mali. Dans cette histoire fictive, j’expose la tragédie de la jeune Kadia.
Kadia, adolescente de 15 ans, était convoitée par tous les jeunes du village. Elle était celle pour laquelle la « guerre de Troie » allait avoir lieu. Belle, intelligente, charmante, élégante, polie et timide, la jeune Kadia était également le genre de femme que beaucoup de chefs de famille voudraient comme seconde épouse. Dans sa famille, elle vivait avec ses trois frères, son père et sa mère.
En tant que première fille ou plutôt l’aînée de la famille, elle avait bénéficié de toute l’attention de ses parents malgré que les moyens de subsistance de la famille fussent limités. Le chef de famille, Amadou était pêcheur et la mère, Aissatou vendeuse de poissons fumés. Des activités au ralenti avec la recrudescence de l’insécurité.
Tout le malheur de Kadia commence avec l’arrêt des activités pédagogiques dans cette localité suite à la mise à sac de son école par des bandits qui n’ont pas hésité à mettre le feu à toutes les classes. Chose qui a privé cette enfant qui se préparait pour passer l’examen du Diplôme d’étude fondamentale (DEF).
Malgré l’insécurité grandissante et ses moyens de subsistance insuffisants, Amadou ne voudra jamais quitter ce village qui lui a vu naître. Il est resté avec sa famille dans cette localité bien vraie que son activité de pêche était pratiquement impossible à exercer. C’est Aissatou qui se débrouillait dans les ventes sur le marché pour prendre la famille en charge. Kadia, qui s’était résignée de son sort, était devenue, pendant ce temps, la ménagère de la famille.
Comme d’habitude, chaque soir, elle se rend en compagnie de quelques-unes de ses camarades d’âge du village dans la brousse. Ensemble, elles cherchent du bois de chauffe pour leurs cuissons du lendemain. Cela constituait pour chacune d’elle une occasion pour se raconter et rire en éclat. Nulle d’entre elles ne sentait la fatigue lui remonter à cause de ces amusements sans bornes qui constituaient pratiquement les seuls instants de tranquillité d’âme pour elles.
L’induction n’a pas toujours raison. Nul ne pouvait imaginer que la jeune Kadia allait différemment retourner au village ce soir-là où elle avait d’ailleurs formulé, avant son départ dans la forêt, le désir de rester à la maison. Parce qu’elle ne se sentait pas en forme. Aissatou refusant sa demande, Kadia a été obligée de se rendre dans la brousse en compagnie de ses trois camarades. Alors que les filles se préparaient à retourner avec leur fagot de bois, elles se font surprendre par ces âmes assoiffées de sang et de chair humaine. Chacune se dessaisit alors de son fagot et prend la fuite en sanglot.
Toutes les autres ont réussi à s’échapper sauf Kadia qui était la cible de ces bandits qui n’ont eu aucune pitié d’elle. Les 10 hommes l’ont violée à tour de rôle avant de la laisser étendue sur des feuilles mortes dans la pleine brousse.
Ses autres camarades, une fois au village, informent de leur agression. Une équipe est déployée immédiatement par le chef du village à la recherche de l’adolescente qui est retrouvée étendue sans un seul morceau d’habit autour de son corps encore chaud.
Kadia supporta difficilement cet incident suite auquel elle tomba enceinte. Bien vrai qu’elle a survécu à ce viol collectif, l’adolescente mène une vie de honte et de remords comme maintes femmes et jeunes filles victimes de la même tragique situation.
Ce drame a tellement bouleversé la famille de Kadia que sa mère a décidé de s’enfuir avec ses enfants pour se rendre dans un camp de déplacés. La jeune Kadia avait du mal à supporter cette grossesse dont elle ignorait le responsable. « Que dirais-je à cet enfant lorsqu’il demandera à connaitre son père ? », ne cessait de s’interroger Kadia.
La vie au centre du Mali notamment dans la région de Mopti reste rythmée par le viol des femmes, les assassinats de civils, les vols de bétails, une crise éducative, l’insécurité alimentaire, etc. Les enfants et les femmes sont, d’après plusieurs rapports d’organisations internationales, les plus touchés. Les bandits, à la base de cette crise « incolore » n’ayant aucune dignité, n’hésitent pas à s’en prendre aux femmes et aux jeunes filles parties dans les forêts à la recherche du bois de chauffe. Beaucoup de filles dans cette localité vivent avec les séquelles des atrocités qu’elles ont subies dans ladite région. D’autres mêmes y ont perdu leur vie.
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