Home A la Une Tribune. Niger : le choix de la stabilité, le pari de la refondation

Tribune. Niger : le choix de la stabilité, le pari de la refondation

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En promulguant la Charte de la Refondation, le Niger fait le pari d’une stabilité assumée, dans un contexte où la souveraineté ne se proclame plus, elle se construit, pas à pas, sur les ruines de l’incertitude.

Le 26 mars 2025, à Niamey, le Niger a tourné une page. Vingt mois après le coup d’État qui a renversé le président Mohamed Bazoum, le général Abdourahamane Tiani a officiellement été investi président de la République, à la faveur de la promulgation d’un texte fondateur : la Charte de la Refondation.

Ce document, fruit des Assises nationales organisées en février dernier, acte une transition de soixante mois, soit cinq années, et ouvre la voie à une profonde restructuration des institutions étatiques. Il serait aisé, depuis l’extérieur, d’y voir un glissement autoritaire. Mais ce serait ne pas comprendre les logiques propres aux États en crise profonde, ni les conditions objectives dans lesquelles se trouvent les pays sahéliens aujourd’hui.

Le temps long comme réponse à l’urgence

Dans une région soumise à des pressions multiples – insécurité endémique, instabilité institutionnelle, ingérence géopolitique – le retour à l’ordre constitutionnel classique ne peut être une fin en soi. Il est, au mieux, une étape. La transition nigérienne, prolongée jusqu’en 2030, s’inscrit dans cette volonté d’offrir au pays le temps de se réparer avant de se projeter.

Une telle durée peut sembler excessive vue d’Abidjan, de Paris ou de Washington. Mais dans un État confronté à la fragmentation territoriale et à la défiance de ses populations envers les institutions passées, c’est peut-être une durée minimale pour refonder durablement.

Au-delà du calendrier, la Charte introduit des innovations notables. L’une d’elles concerne la présence des forces armées étrangères sur le territoire. Désormais, leur installation ne pourra avoir lieu que par référendum populaire, sauf cas d’urgence avérée. Une mesure rare sur le continent, et qui traduit une volonté affirmée de replacer la souveraineté nationale entre les mains du peuple.

Ce n’est pas un rejet des partenariats, mais une redéfinition de leurs termes, dans un contexte où les populations sahéliennes aspirent à plus de clarté et de cohérence dans la coopération militaire.

Un pouvoir assumé, dans une région en recomposition

L’élévation du président Tiani au rang de général d’armée, et la centralisation des pouvoirs exécutif, militaire et symbolique en une seule figure, traduisent une consolidation du pouvoir dans un environnement régional particulièrement volatil.

Ce pouvoir est incontestablement fort. Mais il est aussi porteur d’un projet. Loin de la seule logique de conservation, il s’agit pour Niamey d’inscrire son action dans un mouvement de redéfinition régionale : celui porté par l’Alliance des États du Sahel (AES), aux côtés du Mali et du Burkina Faso.

L’agenda de la Confédération sahélienne, mentionné dans la Charte, laisse entrevoir une nouvelle architecture régionale, fondée sur une intégration plus poussée, une défense collective, et un agenda de développement autonome. Il est encore trop tôt pour en mesurer la portée, mais le signal est clair : les pays de l’AES ne se résignent plus à subir. Ils souhaitent désormais bâtir.

Comprendre plutôt que condamner

Face aux transitions prolongées, la tentation est grande, pour les partenaires internationaux, de s’en tenir à une lecture juridique ou morale. Pourtant, chaque pays vit son moment historique selon ses contraintes propres. Au Niger comme ailleurs, la stabilité ne saurait être imposée depuis l’extérieur. Elle doit émerger, progressivement, de processus enracinés, maîtrisés et porteurs de sens pour les populations concernées.

La Charte de la Refondation ne prétend pas tout régler. Mais elle affirme une volonté de gouverner autrement, dans un environnement miné par l’instabilité. Et cela mérite, sinon l’approbation, du moins l’attention et la compréhension.

Chiencoro Diarra


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