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Transport aérien : les aéroports du Mali, un modèle économique en mutation

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Sous l’impulsion du Colonel Lassana Togola, le réseau aéroportuaire malien s’est hissé au rang de pilier économique stratégique, entre désenclavement régional, modernisation à grande échelle et ambition souverainiste.

En apparence, rien n’a changé à Bamako-Sénou. Le ballet discret des passagers, le tumulte des arrivées, les avions qui percent le ciel sahélien. Et pourtant. Derrière cette façade familière, c’est un autre aéroport — et un tout autre réseau aéroportuaire — qui s’est redessiné, réorganisé, réarmé depuis 2020. À la manœuvre : un colonel. Pas n’importe lequel. Lassana Togola, 45 ans, pilote de transport militaire, plus de 5 500 heures de vol au compteur dont plus de la moitié en opération, diplômé de l’École de l’air de Salon-de-Provence. Depuis sa nomination à la tête des Aéroports du Mali (ADM),l’entreprise publique a entrepris une mue aussi discrète qu’inédite. Objectif ? Faire de la connectivité aérienne un vecteur de croissance, de désenclavement et de souveraineté économique.

Une vision d’officier, une gestion de stratège

Le Mali, pays enclavé sans façade maritime, n’a pas d’autre choix que d’ouvrir ses cieux pour exister économiquement. Le colonel Togola l’a compris. Ses aéroports ne sont pas des terminaux, ce sont des portes d’entrée. Et à ce titre, ils doivent être sécurisés, modernes, et rentables. Résultat : plus de 28 milliards FCFA d’investissements engagés en cinq ans, dont une majorité sur fonds propres, grâce à une gouvernance redressée et à une rigueur quasi militaire. Tour de contrôle flambant neuve à Bamako, passerelle inter-terminaux, digitalisation des guichets, sécurisation des périmètres, modernisation de Mopti, Gao, Kayes et Sikasso… La carte aéroportuaire malienne s’est densifiée, ses infrastructures fiabilisées, et son image internationale redorée.

Le Covid et l’embargo de 2022 avaient fait plonger le trafic passager sous les 400 000 voyageurs. Mi-2023, la reprise s’amorce, fragile, mais réelle : 845 000 passagers cette année-là, avant un léger repli en 2024 dû aux tensions régionales. Mais derrière les chiffres, un autre indicateur compte : la performance économique. Le chiffre d’affaires d’ADM a crû de 20 % entre 2022 et 2024, malgré la volatilité du trafic. L’entreprise emploie 1 340 salariés, et génère, via ses partenaires et sous-traitants, près de 4 800 emplois indirects. Mieux encore, les services aéroportuaires pèsent désormais 0,7 % du PIB national. Ce n’est pas anecdotique dans un pays où le secteur aérien reste l’une des rares industries à haute valeur ajoutée.

La lutte contre les turbulences

À Mopti, Gao ou Sikasso, les aéroports rénovés ne sont pas que des pistes en bitume. Ce sont des catalyseurs logistiques pour les exportations agricoles, des relais d’évacuation sanitaire, des nœuds de circulation commerciale. Le projet de hub fluvial-aérien d’Ambodédjo ou encore la relance des exportations fruitières vers l’Europe depuis Sikasso illustrent cette stratégie d’ancrage territorial. L’État ne finance plus à perte. Il investit dans l’interconnexion, l’efficacité, la résilience. Togola, lui, suit les dossiers comme un plan de vol : trajectoire, timing, risques, alternatives.

L’année 2024 a vu ADM basculer en perte : −801 millions FCFA, un choc dû à la hausse du carburant Jet A-1, à la contraction temporaire du trafic et aux charges de sécurité. Mais la maison tient bon. Les fonds propres dépassent 12,8 milliards FCFA, le recouvrement des créances atteint 91 %, et la transparence s’améliore. L’informatisation via SAP, une cellule anticorruption interne, la normalisation OACI… autant de réformes saluées, qui tranchent avec le passif épinglé par le Bureau du Vérificateur Général. 

Objectif 2030 : le décollage

L’horizon se nomme Mali Airlines-SA, la future compagnie nationale dotée d’un capital initial de 30 milliards FCFA, et qui ambitionne de transporter 350 000 passagers domestiques d’ici cinq ans. Un pari industriel ambitieux, adossé à la montée en puissance des plateformes régionales. À cela s’ajoutent des projets de zones cargo en partenariat public-privé, la digitalisation intégrale des flux passagers, et une politique environnementale en gestation : toitures solaires sur le siège d’ADM, optimisation énergétique des terminaux. Le cap est fixé : devenir une infrastructure stratégique rentable, au service de la nation.

À Bamako, on le surnomme parfois « le commandant des tarmacs ». Un officier qui ne lambine pas. Un patron de société d’État qui parle de bilan, pas de prébendes. Et un Malien qui, en restructurant ses aéroports, a peut-être redonné un peu d’altitude à son pays. La modernisation des cieux, au Mali, ne relève plus du fantasme. Grâce à un colonel aux commandes, elle devient un projet d’État — et une promesse d’avenir.

Chiencoro Diarra 


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