Le sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), couplé avec la session de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), a adopté le ton de la fermeté face aux autorités maliennes de la transition.
Entre le Mali et la Cédéao, le climat reste tendu. Malgré la multiplication des démarches entre l’institution ouest-africaine et ce pays sahélien, afin de trouver un arrangement plus favorable, la Cédéao maintient le ton de la fermeté. Cette fois-ci, elle n’est pas seule. Elle s’est fait accompagner par l’UEMOA pour adopter des sanctions communes contre le Mali, dont les autorités avaient proposé une prolongation de la transition, de cinq ans, à compter du 1er janvier 2022. Malgré la revue en baisse d’un an de cette durée, les deux institutions tapent le poing sur la table.
Le paradoxe
« Autant nous sommes conscients de la complexité de la situation de ce pays, autant nous avons la conviction que toutes les réformes politiques, économiques et sociales visant la refondation du Mali ne pourraient être conduites que par des autorités démocratiquement élues », a déclaré Roch Marc Christian Kaboré, à l’ouverture de la session extraordinaire de la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UEMOA. Cette affirmation du président du Faso fait surtout référence aux conclusions des Assises nationales de la Refondation, organisées par les autorités transitoires. Pourtant, les clauses de ces ANR ont-elles vraiment une valeur aux yeux de ces hommes ?
Se cachant derrière des principes, ces chefs d’État de la sous-région soutiennent le retour rapide du pouvoir aux civils dans ce pays sahélien, en proie à l’insécurité et à la mauvaise gouvernance depuis des années. De leur côté, les militaires au pouvoir comptent d’abord mettre en œuvre les recommandations des ANR avant de remettre le pouvoir aux civils. Le marchandage devrait donc encore se poursuivre entre le Mali et les dirigeants de la Cédéao, qui se disent ouverts au dialogue tout comme les autorités maliennes. Les deux organisations ouest-africaines souhaitent quand même un nouveau chronogramme plus raisonnable afin de revoir leur copie.
Toutefois, leur volonté de retourner le pouvoir aux civils dans un délai record met au grand jour le paradoxe qui entoure leurs différentes prises de position. Pourquoi faut-il laisser la mise en œuvre de réformes dont des civils ont été incapables d’adopter et de mettre en application durant des années passées à la tête de l’État ? Où était la Cédéao quand la fraude électorale emportait le Mali dans un vaste tourbillon ? Où était-elle quand la corruption était devenue le second nom de l’administration publique de ce pays ? Au nom de quel peuple, la Cédéao s’identifie-t-elle finalement ?
Le peuple dans le viseur
Pas quand même celui qu’il a abandonné à son sort pour s’allier à des dirigeants « apatrides ». Des dirigeants qui tripatouillent les résultats d’élections pour se maintenir au pouvoir ou tripatouillent la constitution de leur pays pour briquer un troisième mandat.
Les sanctions adoptées, dimanche 9 janvier 2022, par ces organisations ouest-africaines lors de leur sommet extraordinaire sont une illustration parfaite de leur manque de considération pour le peuple malien. À travers ces nouvelles sanctions, la Cédéao ainsi que l’UEMOA lèvent l’épée de Damoclès sur la tête de ce peuple. Sûrement pour avoir exprimé la volonté aux autorités transitoires d’opter pour une durée de 6 mois à 5 ans, avant l’organisation des élections générales.
Le gel des avoirs maliens au sein de la BCEAO, la fermeture des frontières entre le Mali et les États membres de l’organisation, la suspension des transactions avec Bamako à l’exception des produits médicaux et de premières nécessités, le retrait des ambassadeurs de tous les pays membres au Mali, sont des mesures qui ne touchent pas que les autorités au pouvoir.
Cette manière d’agir, au lieu de démotiver la transition en place et créer un mécontentement populaire risque au contraire de créer plus d’unions autour de ces autorités. À travers ces mesures, la Cédéao vient encore de prouver qu’elle est une organisation qui défend l’intérêt des chefs d’État plutôt que des peuples, au nom desquels elle agit.
Chiencoro Diarra
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