Depuis novembre 2021, le Bénin, longtemps épargné par la menace terroriste sahélienne, fait désormais face à une série d’attaques armées à répétition dans sa région septentrionale. Une spirale de violence qui n’a cessé de se renforcer, posant un défi sécuritaire majeur à l’État béninois et à l’ensemble de la sous-région. Aux confins du parc de la Pendjari, à Porga, à Karimama ou dans les forêts du parc du W, les groupes djihadistes ont trouvé un nouveau front sud pour leurs incursions.
Les premières attaques, survenues fin 2021, portaient déjà la signature tactique de groupes liés à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS). Depuis, plus d’une dizaine d’assauts ont été enregistrés, dont l’un des plus marquants reste l’attaque du commissariat de Karimama en avril 2022. En moins de deux ans, le nord du Bénin a ainsi connu au moins 16 attaques, coûtant la vie à 13 membres des forces de sécurité.
La géographie y est pour beaucoup. Bordé au nord par le Burkina Faso et le Niger – deux épicentres de l’insurrection sahélienne – le Bénin partage une frontière poreuse avec des zones déjà infiltrées par les terroristes. Les parcs nationaux et les zones forestières de la Pendjari et du W offrent un terrain propice à l’infiltration, au repli et à la logistique des groupes armés.
Dans une allocution devant les forces vives de la nation en janvier 2025, le Président malien de la transition avait pourtant averti sur l’expansion du terrorisme. Il alertait tous les pays comme le Benin qui estimaient être épargnés de ce fléau et refusaient toute coopération avec le Mali. Aucun pays ne serait épargné, peut-on résumer ses propos. « Ni dun toulou bana, se bai kai mun toulou ma », (On fait recours à la pommade une fois qu’on finit avec l’huile de cuisson), autrement dit lorsque les terroristes seront fortement harcelés au sein de l’AES, ils chercheront refuge dans les pays qui se croient plus stables.
Failles locales, convoitises régionales
Mais la géographie ne fait pas tout. Les tensions sociales, l’absence d’opportunités économiques pour les jeunes, les conflits communautaires latents et le faible ancrage de l’État central dans certaines zones du nord du pays constituent un terreau fertile pour la radicalisation. Comme dans d’autres pays du Sahel, les groupes terroristes exploitent ces vulnérabilités pour tisser leurs réseaux et gagner du terrain.
Ces groupes poursuivent un triple objectif : étendre leur emprise territoriale, contrôler les routes du trafic transfrontalier, et imposer leur idéologie en capitalisant sur l’absence d’État et l’exclusion sociale. Le Bénin, jusqu’ici cité comme modèle de stabilité politique et démocratique, se retrouve ainsi happé par la dynamique régionale d’insécurité.
Une coopération régionale mise à mal
La riposte béninoise, incarnée notamment par l’opération « Mirador », vise à sécuriser les zones à risque. Mais l’efficacité de cette action est entravée par la dégradation des relations avec ses voisins immédiats. Depuis le coup d’État au Niger en juillet 2023, les échanges sécuritaires entre Niamey et Cotonou sont au point mort. Les autorités nigériennes ont suspendu les accords militaires bilatéraux, coupant un canal essentiel de coordination.
Les tensions avec le Burkina Faso – autre membre de l’Alliance des États du Sahel (AES) – n’ont rien arrangé. Malgré cela, le Bénin reste attaché à une posture diplomatique conciliante. Le ministre des Affaires étrangères Olushegun Adjadi Bakari l’a rappelé : « la sortie de la CEDEAO par les pays de l’AES n’est pas une rupture de relations. »
Talon, l’équilibriste régional
Face à ces défis, le président béninois Patrice Talon mise sur une stratégie de fermeté et d’équilibre. Fermeté dans la réponse sécuritaire, avec le renforcement des effectifs militaires dans le nord et l’appui à l’intelligence territoriale. Équilibre diplomatique, en conservant des canaux de communication ouverts avec les pays de l’AES, tout en défendant la légitimité de la CEDEAO et en s’alignant sur ses positions face aux coups d’État militaires.
Sur le plan économique, le Bénin sait qu’il ne peut se permettre de couper les ponts avec ses voisins sahéliens. Le maintien des échanges commerciaux transfrontaliers, en particulier pour les régions du nord, est vital pour l’économie béninoise.
Une guerre sans frontières
Le défi est donc de réussir à contenir la menace djihadiste à l’intérieur, tout en naviguant dans un environnement régional fracturé. Le Bénin illustre aujourd’hui l’élargissement de la guerre sahélienne vers les côtes. Et à mesure que les groupes armés poursuivent leur descente stratégique vers le sud, la stabilité relative des États côtiers n’apparaît plus comme une garantie.
En attendant une réponse régionale plus cohérente, et face à la fragmentation des alliances sous-régionales, c’est seul – ou presque – que le Bénin devra défendre sa frontière nord. Une ligne de front nouvelle, dans une guerre qui, décidément, ne connaît plus de limite géographique.
Chiencoro Diarra
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