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Taxes sur les télécommunications : les commerçants en ligne au bord de l’asphyxie

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Depuis l’entrée en vigueur des nouvelles taxes sur les télécommunications au Mali, de nombreux commerçants en ligne peinent à joindre les deux bouts. Les frais supplémentaires sur les transactions via Orange Money et Moov Money, ainsi que l’imposition sur les achats de crédits téléphoniques et les forfaits internet, pèsent lourdement sur leurs activités.

Le gouvernement a récemment instauré plusieurs taxes qui affectent directement les consommateurs et les acteurs du commerce digital, créant ainsi un impact considérable sur l’économie numérique. Parmi les principales mesures, on note une taxe de 10 % sur les recharges téléphoniques, qui réduit directement le montant crédité aux utilisateurs. Par exemple, une recharge de 1 000 F CFA ne crédite plus que 900 F CFA, ce qui pénalise les utilisateurs réguliers de services mobiles. De plus, une taxe de 1 % sur les retraits via mobile money a été introduite, rendant les transactions financières plus coûteuses pour les commerçants et les consommateurs.

En outre, l’augmentation de la Taxe sur l’Accès au Réseau des Télécommunications Ouvert au Public (TARTOP), passant de 5 % à 7 %, a pour objectif de générer 16,38 milliards de F CFA pour le budget national. Ces mesures ont provoqué une vague de mécontentement parmi les commerçants en ligne, qui dépendent grandement des transactions numériques pour leurs ventes. Cette fiscalité supplémentaire alourdit les coûts opérationnels et freine la croissance de l’économie numérique, déjà fragile pour certains petits commerçants.

Des vendeurs en ligne en difficulté

Le commerce en ligne, qui repose largement sur les paiements via mobile money, est directement impacté par les nouvelles taxes sur les télécommunications. Ces frais supplémentaires compliquent non seulement les transactions financières, mais ralentissent aussi le chiffre d’affaires des commerçants. A. Ouattara, vendeuse de tissus en ligne, a adopté un autre modèle de paiement pour contourner les frais. Elle explique que son activité ne repose pas uniquement sur le mobile money, mais plutôt sur un paiement à la livraison dans la majorité des cas. « C’est après la livraison de la marchandise que le client donne l’argent au livreur ainsi que son frais de déplacement », précise-t-elle. Cependant, elle note que cette méthode est moins pratique pour les clients vivant loin, car ceux-ci doivent gérer les frais supplémentaires liés au mobile money, ce qui complique les transactions.

Le même constat est partagé par M. Cissé, qui vend des téléphones et des accessoires en ligne. Selon lui, avant l’introduction des taxes, il pouvait dégager une marge correcte, mais maintenant, la situation a changé. « Maintenant, avec la taxe de 10 % sur les recharges et la hausse des frais mobile money, mes clients hésitent davantage à commander. Beaucoup préfèrent payer en espèces, mais cela complique la gestion des ventes. Je pense aussi que je vais cesser de faire mes opérations avec Orange Money et Moov Money. Désormais, je vais les faire avec Wave », indique-t-il.

La gestion des transactions beaucoup plus difficile 

Les vendeurs de vêtements et d’accessoires de mode ressentent également la pression de ces nouvelles impositions. F. Togo, qui vend des tissus, des robes et des chaussures en ligne, témoigne des difficultés rencontrées. « Depuis le 5 mars jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas eu de marché. Mais quand même, je m’attends à une nouvelle phase vu les plaintes des autres », dit-elle. En tant qu’étudiante, elle doit aussi faire face à la hausse des forfaits internet. « Je prends du forfait chaque semaine. Donc, à chaque fois que je veux en acheter, je suis obligée d’ajouter un peu plus à cause des frais. C’est un peu triste, parce que je suis étudiante. D’un autre côté, je me réjouis parce que c’est une contribution pour notre patrie », ajoute-t-elle.

Par ailleurs, H. Tandina, également vendeur de tissus pour hommes en ligne, note que les clients hésitent de plus en plus à effectuer des paiements via mobile money, préférant souvent l’option paiement en espèces à la livraison. Cela entraîne des retards dans les paiements et une gestion difficile des commandes. « Cette situation ralentit nos ventes et rend la gestion des transactions beaucoup plus difficile », déclare-t-il. Comme d’autres, il voit la gestion des paiements numériques comme un frein à la croissance des petites entreprises locales.

Aussi, M. Coulibaly, qui vend des accessoires de mode en ligne tout en poursuivant ses études, déplore la hausse des coûts de la connexion internet et des taxes sur les recharges de crédit. « Déjà que la connexion internet est chère, maintenant même les recharges de crédit sont taxées ! On paie plus, mais on reçoit moins. Avec Orange, quand tu fais une recharge, ils prélèvent 10 %. Et si on veut transformer le crédit en forfait internet, Ne Taa ou Sewa prélèvent encore 10 % », explique-t-elle.

Quel avenir pour les entrepreneurs du digital ?

Selon les vendeurs en ligne, alors que la digitalisation semblait être une opportunité pour de nombreux jeunes commerçants maliens, ces nouvelles taxes viennent freiner cet élan. Ceux qui dépendaient fortement du mobile money pour leurs transactions risquent de voir leur clientèle se réduire.

Ils estiment que si ces taxes ne sont pas accompagnées de mesures d’allègement ou de soutien, elles pourraient pénaliser durablement le commerce en ligne et l’inclusion financière. En attendant, vendeurs et consommateurs espèrent que le gouvernement prendra en compte leurs préoccupations, avant que le poids de la fiscalité ne freine davantage la dynamique économique du pays.

Par ailleurs, il faut noter que la plupart des commerçants en ligne opèrent sans statut formel d’entreprise. Beaucoup tirent profit du commerce numérique sans être enregistré et sans contribuer aux caisses de l’État à travers l’impôt. Cette mesure fiscale pourrait ainsi être perçue comme un moyen de combler ce vide et d’élargir l’assiette fiscale.

Ibrahim Kalifa Djitteye 


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