Après « Le pays des mille et une merveilles » et « Un pays ni proue ni poupe », voici «La République des mille et un problèmes ». D’une République arc-en-ciel, Soubagabougou devient la proie à un désordre tragique. Des désordres qui ont apporté une inversion dans les valeurs de vie des citoyens. Cela conduira à l’élection, à la tête de l’État, d’un roi sans cœur, qui vivra de la corruption. Chaque citoyen ne cherchera qu’à satisfaire ses besoins quotidiens. « L’exploitation de l’homme par l’homme » devient une réalité. Chacun se rend justice. On a peur avec nos propriétés. Bienvenu à Soubagabougou, la République des mille et un problèmes.
Je me rappelle qu’un jour, un de mes élèves m’a posé la question de savoir ce que signifiait la phrase « L’homme est un loup pour l’homme ». Cette question m’avait beaucoup plu, surtout qu’elle venait d’un élève d’une classe de 11e année. À ce titre, je répondais en lui précisant que la phrase était de Thomas Hobbes, un philosophe anglais du 17e siècle. C’est à partir de ce constat que cet intellectuel arrivait à la compréhension de l’origine de la société, de son avènement. Cette phrase caractérise bien, chez lui, l’homme à l’état de nature, un état imaginaire puisque n’ayant pas une existence historique. Cet état de nature constitue une méthodologie de travail afin de parvenir à une explication cohérente sur les raisons ayant conduit à la formation des sociétés pour le respect des droits de l’homme.
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« L’homme est un loup pour l’homme » est un propos qui reste d’actualité, même dans la société civile. Si l’état de nature se caractérisait par une guerre permanente, une guerre de tous contre tous, un état où chacun constituait un ennemi pour tout le monde, un état où l’exploitation était au summum, il convient alors de noter que ces caractéristiques ne sont pas étrangères à Soubagabougou. Cet État de nulle part et de partout réponds favorablement à l’état de nature hobbésien.
Les élections ont eu lieu dans des conditions tragiques comme je l’ai indiqué dans le précédent billet. À ce titre, les citoyens vivant dans la misère se sont immédiatement montrés indifférents à la dignité, à l’honneur. Ils ont montré au grand jour leur amour acharné pour l’argent. Des bourgeois sont alors rentrés en compétition. Les campagnes ont alors été le lieu de partage de sommes misérables. L’argent circulait comme des cartes. Chacun pensait avoir donné un coup sérieux à la misère.
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Ce comportement déshonorant conduit les citoyens de cette République à faire un coup d’État dans le souci d’élire à la tête de l’État un dirigeant soucieux pour la survie des citoyens et de toute la nation. Les méthodes employées pour y parvenir n’ont pas été adaptées. Les campagnes, comme je viens de le montrer, ont été mal organisées.
Filifen est un roi qui ne songe qu’à lui-même. Les intérêts du peuple, le développement de la nation, la protection des individus et de leurs biens, la lutte contre le terrorisme, etc. ; n’étaient pas son souci. Tout se passait comme s’il disait : « Chacun pour soi, Dieu pour tous ». Sous son règne, le système capitaliste n’était plus à expliquer. Les pauvres devenaient de plus en plus pauvres pendant que les riches devenaient de plus en plus opulents. Les quelques citoyens honnêtes qui n’ont pas voulu se salir le nom ou porter atteinte à leur dignité vivaient dans une grave crise. L’argent était devenu pour eux un matériel inobservable. Ils n’en trouvaient plus. La circulation de ce métal était limitée. La pauvreté augmentait. Les femmes et les jeunes filles de douze ans se prostituaient pour de l’argent. Les grossesses indésirées étaient devenues une monnaie courante. Les maladies sexuelles se multipliaient. Des chefs de famille se suicidaient avec le slogan de Babemba Traoré à la bouche : « Mieux vaut la mort que la honte ». Le respect n’existait plus dans les familles. Plus d’entente.
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Pour gagner de l’argent, il fallait faire des panégyriques du pouvoir en place. Les jeunes comprenant ce statu quo, plusieurs associations, mouvements ont été rapidement mis en place pour soutenir les actions du pouvoir de Filifen. Soubagabougou en est plein, des citoyens électoraux. Ils ne songent qu’à leurs intérêts personnels.
Des mouvements fleurissent sur toute l’étendue du territoire pour soutenir tel ou tel candidat. Des associations de jeunesse sortent de terre comme des champignons. Elles n’ont que des objectifs de non objectifs. Elles disent se battre pour la cause de la nation. Mais au fond, elles ne font que collecter de l’argent auprès de différents partis politiques. Le vote ne leur dit rien. Car rares sont celles d’entre elles qui prennent de la peine pour accomplir leur devoir citoyen le jour du vote.
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Des mouvements ou des associations citoyennes existent pour toujours. Ils ont un rôle d’éveil citoyen. L’exemple du Balai citoyen au Burkina Faso n’est un secret pour personne. Un véritable mouvement citoyen ayant pour objectif de veiller sur la gouvernance de la nation. Mais à Soubagabougou, la jeunesse a tendance à confondre mouvement citoyen et mouvement politique. Mais je comprends. Ce sont des mouvements dont la quasi-totalité reçoit le financement du parti ou des partis qu’ils soutiennent. Soubagabougou a mal. Ses enfants le trahissent pour le matériel. Le sens de la citoyenneté est enterré. La population érige à sa place un peuple sans qualificatif.
L’achat de conscience. À qui la faute ? Arrêtons de nous voiler la face. Laissons de côté les dirigeants. Le corrupteur n’est rien sans le corrompu. L’argument que la plupart des citoyens tiennent ne doit pas avoir lieu d’existence. « Les dirigeants viennent vers nous avec de l’argent en contrepartie de nos voix lors des élections ». Mais je dis, les citoyens conscients ont la latitude de refuser la somme. En l’acceptant, les citoyens deviennent pires que les dirigeants puisqu’ils acceptent de sacrifier tout l’avenir d’une nation.
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Soubagabougou, au seuil des élections présidentielles, s’est transformé en véritable champ de bataille, où s’affrontent des mouvements ou des associations purement politiques et stratégiques. Ils ont tendance à devenir plus nombreux que les partis politiques. Si certains cachent leur tendance politique, d’autres au contraire la manifestent au grand jour. Ce fleurissement d’associations ou de mouvements est à craindre. Il peut être source d’émeute irrépréhensible au sein de toute la nation.
C’est tout le mot. L’avenir d’une nation constitue sa jeunesse. Il faut une jeunesse consciente pour relever les défis auxquels le pays fait face. Aucune nation ne peut se développer dans l’indifférence, dans la division, dans la promotion des intérêts égoïstes. La jeunesse Soubagabougou doit arriver à cette compréhension. Le chômage et par ricochet la pauvreté ne doivent pousser personne à porter atteinte à sa propre dignité, à son existence.
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Les sommes que vous empochez pour un sal service rendu dans le désintérêt de toute la nation ne vous serviront qu’à assurer un besoin immédiat. Elles ne vous permettront jamais de rester éternellement riche. Si elles le pouvaient, vous n’alliez pas les recevoir de la main de ces hommes. Des gens qui ne vous aiment pas. Des hommes qui se servent de vous comme boucliers humains. Une fois au pouvoir, le contrat est cassé entre vous. Ils ne vous reconnaissent plus.
La conscience fait l’humanité. Les jeunes doivent se laisser traverser par celle-ci. La nation sera belle. La corruption sera vaincue. Les ennemis potentiels auront peur. Le développement sera au rendez-vous. Soyez vous-mêmes. Ne vous soustrayez pas de votre devoir d’éveil citoyen.
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De leur côté, les artistes ne chantaient aussi que le nom de Filifen. Plusieurs intellectuels sont devenus des poètes ou des écrivains tout court pour faire les louanges de ce roi corrompu. Chacun visait maintenant ses propres intérêts. Celui de la nation n’est plus la préoccupation de qui que ce soit. Filifen s’est bien enrichi. Il s’est construit un véritable palais. Toute sa famille ainsi que les familles éloignées ont bénéficié de ses largesses.
Sous le règne de Filifen, la liberté d’expression a été enterrée. Plus de liberté d’expression, plus de liberté d’association, plus de liberté de conscience pour les citoyens qui se sont montrés ennemis du régime. Les syndicats grévistes, hommes et femmes, sont matraqués ou gazés. L’atmosphère dans le pays est devenue assez tendue. La sonnette d’alarme a été tirée. Il faut agir à Soubagabougou avant que le roi sorcier ne finisse de sucer le sang de ses citoyens. Dans ce tohu-bohu, les terroristes ont pris le contrôle de tout le centre. Maintenant il ne restait que la capitale. L’occupation de celle-ci n’était plus qu’une question de jour.
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De la souffrance naît, le plus souvent, la conscience. Comme dit un proverbe bambara « La souffrance pousse la chèvre à mordre. » Ce constat est ce que fait également Francis Fukuyama, le philosophe japonais. Selon celui-ci, la souffrance n’est pas toujours mauvaise. Elle peut servir d’expérience. C’est la raison pour laquelle, l’homme qui a beaucoup souffert peut avoir pitié des gens lorsqu’il les verra souffrir.
Quelques jeunes aguerris ont pris vite conscience en se regroupant, dans la plus grande clandestinité, afin de monter leur projet de renversement du régime. Leur coup va être une réussite. Ils seront appuyés par des mains invisibles, déçues de la gouvernance de Soubagabougou. Un État devenu une menace pour tous ses voisins.
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