Après la mort d’Idriss Déby Itno, ex-président tchadien, l’un de ses fils le succède au trône. Cette gestion de la vacance de la présidence constitue un crime de lèse-majesté contre la démocratie.
Arrivé au pouvoir en 1990 à travers un coup d’État contre l’ex-chef d’État Hissène Habré, Idriss Déby Itno prend d’abord la tête du Conseil d’État avant d’être désigné président de la République du Tchad. Depuis, le Tchad est transformé officieusement en une monarchie absolue. Comme « on n’organise pas les élections pour les perdre », pour reprendre l’ancien président congolais, Pascal Lissouba, celui qui sera appelé plus tard le maréchal du Tchad a remporté toutes les élections présidentielles depuis 1996 jusqu’en 2021, date de la dernière présidentielle.
Une succession de père au fils
Reconnu pour son engagement contre le terrorisme au Tchad aussi bien qu’au sahel tout entier, ce militaire dans l’âme ne se contentait point du confort de sa fonction de président de la République. À chaque fois que l’intégrité du territoire tchadien était menacée, il prenait lui-même la tête de ses troupes. On se rappelle à ce titre la victoire contre Boko Haram en 2020 et qui marquera sa consécration en maréchal.
En 2021, alors que les rebelles du Front pour l’alternance et la concorde (FACT) menaçaient de marcher sur Ndjamena, Idriss Déby tente de nouveau de stopper leur avancée, d’après des explications issues de sources militaires tchadiennes. Mardi 20 avril 2021, il succombe à ses blessures après au moins trente ans passés au pouvoir.
Machinalement, juste après l’annonce du décès de Déby, son fils Mahamat Idriss Déby prend la tête d’un Conseil militaire de transition. Cela en violation flagrante de la constitution tchadienne de 2018 qui stipule en son article 81 : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du Président de la République [ndlr] sont provisoirement exercées par le Président de l’Assemblée Nationale et, en cas d’empêchement de ce dernier, par le 1er Vice-président ».
Les principes démocratiques mis en mal
Cette constitution de 2018 est assez claire sur la gestion de cette période de vacance de la présidence. Quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance, de nouvelles élections présidentielles doivent être organisées.
Les nouveaux hommes forts du Tchad semblent avoir fait fi de toutes ces dispositions contenues dans cette loi fondamentale, qui a été révisée en décembre 2020. Certes, des sources racontent que le président de l’Assemblée nationale aurait décliné la proposition en raison de son âge, mais qu’en est-il du vice-président de cette même institution ? Supposons que tous ces deux aient refusé la proposition de siéger dans les fauteuils présidentiels, la démocratie prévoit-elle une succession de père au fils ? Sommes-nous dans une Dynastie ?
Le père ayant gouverné le pays au moins pendant 30 ans, un de ses fils se croit maintenant l’héritier légitime du trône. Cette succession rapide du défunt président laisse planer beaucoup de doute sur la mort du maréchal. Il pourrait bien y avoir anguille sous roche.
Les partis de l’opposition tchadienne parlent déjà de « coup d’État institutionnel » et « appellent à l’instauration d’une transition dirigée par des civils dans le respect de l’ordre républicain à travers un dialogue inclusif ».
Cette situation au Tchad vient démontrer une fois de plus combien les systèmes démocratiques dans les pays du sahel en particulier, en Afrique en général, sont fragiles dans leurs principes. Partout, on assiste à un véritable piétinement des valeurs démocratiques pour la défense d’intérêts personnels. Dans un tel contexte, difficile de songer à une réelle sortie de crise dans la région.
Fousseni Togola
Source : Maliweb.net
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