L’enquête de la Cour des comptes sur la stratégie de la France dans les pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) et la cohérence des actions civiles et militaires dans la région, au service de la sécurité de ces États et du développement économique et social de leurs populations, révèle des lacunes dans l’aide au développement.
L’espace sahélien a été déclaré par la France, l’une des régions du monde les plus déshéritées avec de forts taux de fécondité. Dans le classement mondial des indicateurs du développement humain (IDH) du programme des Nations unies pour le développement (PNUD), les États membres du G5 occupent le dernier rang. Cette région est déclarée prioritaire pour l’aide publique au développement depuis 2009 et 2011. Sauf que cette « priorité a tardé à se traduire dans les faits ».
Les dépenses militaires en hausse au détriment de la stabilisation
Dans son nouveau rapport, publié le 23 avril dernier, le gendarme des finances publiques en France indique que « les grands acteurs de l’aide publique au développement, bilatérale comme multilatérale, dirigent spontanément leurs actions vers des pays dont l’économie est plus avancée et la situation géopolitique plus stable ».
Dans cette région, entre 2012 et 2018, les dépenses françaises ont presque doublé, passant de 580 millions d’euros à 1,35 milliard d’euros. 60 % de ces sommes concernent des dépenses militaires. Pendant ce temps, l’aide accordée à la stabilisation et au développement suit une trajectoire descendante. « Les dépenses de l’aide publique française au développement n’ont pas suivi la même progression, et la priorité affichée en faveur de la zone Sahel ne s’est pas traduite dans les faits », souligne la Cour qui indique qu’en 2018, les pays du G5 Sahel représentaient 10 % de l’aide publique au développement française en Afrique et le Mali 2,5 %. « Des proportions inchangées par rapport à 2013 », indique la Cour.
Quatre recommandations
La Cour des comptes exprime également ses inquiétudes quant à « l’extension progressive du périmètre d’intervention et la diversification des objectifs » qui « rendent incertains les critères qui permettront d’évaluer si un terme satisfaisant a été atteint, pour la France et pour le Sahel ». Une telle inquiétude l’amène à juger important l’élaboration d’un « bilan d’étape ». En plus de cet aspect, la Cour estime que « les complémentarités entre actions militaires et civiles d’aide à la stabilisation et au développement doivent être recherchées et se traduire dans l’organisation de la réponse française ».
Suite à ces constats, le gendarme des finances publiques a formulé quatre recommandations :
- mettre en cohérence les financements publics avec les priorités fixées pour les pays du G5 Sahel ;
- en assurer le suivi au moyen de tableaux
de bord et d’indicateurs par État bénéficiaire ; - charger l’ambassadeur, envoyé spécial pour le Sahel, d’une mission interministérielle formalisée par une lettre de mission signée du Premier ministre ;
- s’assurer que l’Union européenne maintienne le caractère prioritaire des pays du G5 Sahel dans la programmation des budgets d’APD ; réaliser un bilan de l’exécution à ce jour de l’opération Barkhane au vu des objectifs assignés, des moyens déployés et des résultats obtenus.
Fousseni Togola
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