Le 4 avril 2025, jour de l’Indépendance, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a profité d’un entretien avec la presse pour briser un tabou : celui du franc CFA. Entre option régionale avec la CEDEAO, scénario intermédiaire via l’UEMOA, ou solution nationale par la création d’une monnaie propre, le chef de l’État trace les contours d’une souveraineté monétaire assumée, tout en appelant à la prudence et à la rigueur macroéconomique. Une parole rare, posée, mais fondatrice.
C’était un 4 avril pas tout à fait comme les autres. Tandis que le Sénégal célébrait, dans la solennité des drapeaux et la retenue des uniformes, le 65ème anniversaire de son indépendance, son tout nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, offrait à la Nation — et au continent — une déclaration politique qui fera date. Non pas un discours de commémoration. Plutôt un avertissement, clair et serein : le Sénégal envisage, prépare et revendique la fin du franc CFA.
Trois options. Trois trajectoires pour sortir de ce que le président qualifie — sans le dire — de relique postcoloniale. La première, connue et balbutiante, la monnaie commune de la CEDEAO. Un serpent de mer institutionnel qui ne cesse de mordre sa propre queue depuis une décennie. Diomaye Faye le sait, et le dit : « le processus est très lent. »
Deuxième voie, l’UEMOA. Moins ambitieuse, plus réaliste ? Le président y voit une piste intermédiaire, un compromis technique pour avancer sans rupture. Mais il ajoute, presque en aparté, comme un dernier recours : « Si ça tarde, nous sortirons pour battre notre propre monnaie. »
La formule est posée, calme, sans éclats. Mais son poids est immense. Car le Sénégal, puissance d’équilibre et phare démocratique de l’Afrique de l’Ouest, n’avait jamais aussi frontalement évoqué une possible sortie unilatérale du CFA.
Souveraineté monétaire, oui — mais pas au pas de charge
L’homme du jour le sait. La symbolique ne suffit pas, et l’indépendance monétaire ne se décrète pas à la radio. Elle se construit, chiffres en main, sur la stabilité des agrégats, sur la solidité des réserves, sur le réalisme des équilibres macroéconomiques. « Il y a des prérequis », admet-il, prudent.
Et c’est peut-être là que se joue l’essentiel. Dans cette tension entre l’impatience populaire et la rigueur des feuilles de route. Diomaye Faye n’a pas cédé à la facilité du verbe. Il a esquissé une ambition, ouvert les portes d’un possible, tout en rappelant que le changement monétaire est d’abord un acte de souveraineté responsable, pas un slogan de tribune.
Ce 4 avril, à Dakar, le président Faye n’a pas seulement évoqué une réforme technique. Il a relancé, à sa manière, le vieux débat africain entre indépendance formelle et souveraineté réelle. Et il a laissé entendre que, pour le Sénégal de demain, battre monnaie ne sera plus seulement une expression figée — mais une option assumée.
Chiencoro Diarra
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