C’est un soulagement discret, mais de taille, pour des milliers de citoyens maliens. Les passeports biométriques délivrés sous l’égide de l’Alliance des États du Sahel (AES) sont désormais pleinement reconnus par l’espace Schengen. Une reconnaissance qui n’a rien d’anodin à l’heure où les relations diplomatiques entre le Sahel et l’Europe naviguent entre prudence, défiance et intérêts mutuels.
Lancé officiellement le 29 janvier 2025, le passeport biométrique de l’AES — regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger — était censé incarner un symbole concret d’intégration sahélienne. Mais à peine entré en circulation, il a été rattrapé par les pesanteurs administratives de la diplomatie européenne. À Paris, Berlin ou Bruxelles, le nouveau sésame s’est retrouvé confronté à un obstacle inattendu : l’absence de spécimens officiels transmis à temps aux représentations consulaires.
Conséquence : des doutes, des délais, parfois même des refus dans le traitement des demandes de visa. Une frustration pour les voyageurs maliens et un léger malaise pour les autorités, contraintes de rappeler que le document respecte en tous points les normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI).
La France lève le verrou
Depuis début avril, les chancelleries européennes, à commencer par la France, ont validé la conformité du passeport AES. Le tampon est désormais officiel. Les détenteurs de ces documents peuvent voyager dans l’espace Schengen sans crainte d’être refoulés pour vice de forme documentaire.
Pour Paris, qui avait maintenu une position d’observation prudente, il s’agit moins d’un geste politique que d’une simple mise à jour administrative. Mais dans les capitales sahéliennes, l’événement prend une tout autre dimension : celle d’une reconnaissance implicite du processus d’autonomisation engagé par les pays de l’AES sur la scène internationale.
Une reconnaissance qui dépasse le papier
En surface, il ne s’agit que d’un accord technique. En profondeur, c’est un signal diplomatique. La reconnaissance des passeports AES par l’Europe — et en particulier par la France — intervient dans un contexte tendu, marqué par des réajustements géopolitiques et des discours de souveraineté renforcés au sein des États sahéliens.
À Bamako, cette validation est présentée comme une victoire discrète mais stratégique de la diplomatie malienne. Une manière de démontrer que la rupture progressive avec certaines anciennes tutelles n’implique pas l’isolement, et que l’on peut à la fois affirmer sa souveraineté et continuer à négocier pied à pied, dans les règles.
La mobilité réaffirmée, la légitimité consolidée
Dans un espace mondial où les documents d’identité sont autant des instruments de mobilité que des marqueurs de souveraineté, le passeport AES devient à son tour un objet diplomatique. Il incarne la volonté des pays membres de se doter d’institutions propres, de standards communs, et d’une visibilité unifiée sur la scène internationale.
Avec cette reconnaissance européenne, l’AES marque un point dans sa quête de crédibilité internationale. Et pour les Maliens, au-delà du tampon, c’est un peu de leur citoyenneté nouvelle qui franchit une frontière.
Chiencoro Diarra
🧐 Cet article vous a-t-il été utile ?
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.