Au Mali, le mois sacré du Ramadan se vit intensément, entre moments de dévotion profonde et célébrations qui rythment les nuits. Parmi elles, le Dangoroni se distingue, véritable institution pour les enfants et certains fidèles, dévoilant une facette moins connue de cette période de jeûne. Dès le dixième jour du Ramadan, les rues de Bamako et d’ailleurs s’animent d’une manière particulière, lorsque les enfants, parés de costumes mêlant humour et effroi, partent à la conquête des rires après la rupture du jeûne.
Ces jeunes aventuriers de la nuit, cornes fictives sur la tête et visages dissimulés derrière des masques, s’arment de bâtons pour entamer leur quête du Yogoro ou Dangoroni. Entre danses et chants claironnés sous le clair de lune, ils parcourent les familles, perpétuant ainsi une tradition aux origines floues mais profondément ancrée dans plusieurs communautés maliennes. Même face aux restrictions du couvre-feu, la jeunesse malienne ne déroge pas à cette pratique, signe d’une résilience culturelle face aux adversités.
Des origines embrouillées
La genèse du Dangoroni, aussi appelé Yogoro dans certaines régions, se perd dans les méandres de l’histoire et des interprétations. Pour l’imam Mahmoud Kouma, cette tradition trouve ses racines au Macina où elle servait de défouloir et de source de revenus pour les mendiants durant le Ramadan. Avec le temps, les enfants, au-delà des mendiants, se sont approprié cette pratique, la transformant en une opportunité de collecte de présents et d’argent.
Toutefois, cette vision est contestée par des voix comme celle de l’écrivain Daouda Tékété, pour qui le Dangoroni serait une héritage des traditions africaines bien antérieures aux pratiques des religions monothéistes. Une hypothèse que l’anthropologue Dawélé Togola considère encore comme incertaine, bien qu’il reconnaisse l’antiquité de cette tradition.
Une pratique aux multiples facettes
Au-delà de son aspect ludique, le Dangoroni revêt une dimension sociale et communautaire cruciale. Il s’agit d’un moment de solidarité, de compétition et de préservation du patrimoine matériel et immatériel, selon Tékété. Les rencontres entre groupes d’enfants peuvent même déboucher sur des affrontements symboliques, le groupe vainqueur emportant les gains de l’autre. Dr Dawélé souligne, quant à lui, l’objectif de détente et de joie que procure cette tradition aux fidèles, épuisés par le jeûne.
Des mutations contemporaines
Malgré son ancrage dans la tradition, le Dangoroni connaît aujourd’hui des transformations qui interrogent. La commercialisation croissante de cette pratique et la dilution de certains de ses aspects originaux suscitent des réflexions sur l’évolution des traditions dans une société en constante mutation.
Le Mali, à travers le Dangoroni, offre ainsi un exemple fascinant de la manière dont les pratiques culturelles peuvent à la fois conserver leur essence et s’adapter aux changements sociétaux. Ce mois de Ramadan, marqué par le jeûne mais aussi par la célébration, témoigne de la richesse et de la complexité de l’identité malienne, tiraillée entre respect des traditions et intégration de nouvelles formes d’expression.
Fousseni Togola
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