De son éclatement en 2012 à nos jours, la crise malienne a fait de nombreux morts malgré la présence de partenaires militaires. Des citoyens trouvent cette situation incompréhensible alors qu’un véritable travail d’autocritique s’impose à tous.
Depuis 2012, on assiste à la cancérisation du Mali. Du nord du pays, la crise sécuritaire s’est vite étendue, vers 2015, sur le centre, notamment la 5e région (Mopti) avant d’envahir Ségou, la 4e région. Depuis quelques années déjà, on assiste également à l’infection des régions du sud.
Les civils, des principales victimes
Au 1er décembre 2020, la Minusma dressait un bilan de 182 civils tués, 175 blessés et 163 civils enlevés au Mali, uniquement au cours du dernier trimestre de l’année 2020.
À Kayes, 1re région administrative du pays, on a également assisté, ces dernières années au réveil du vieux démon de « l’esclavage par ascendance ». En 2019, dans cette région, au moins 110 personnes, principalement des femmes et des enfants, ont fui cette pratique dans leur village pour se réfugier à Diéma, une autre localité de la zone. Dans la région de Sikasso aussi bien de Koulikoro, des attaques sont de plus en plus signalées.
Les civils semblent pourtant les plus grandes victimes de cette crise multidimensionnelle. Dans son Plan de réponse humanitaire 2021, le Bureau des Nations Unies pour la Coordination des Affaires humanitaires (OCHA) au Mali laissait comprendre que le nombre de réfugiés maliens dans les pays voisins s’élevait à 142 000 personnes. Quant aux déplacés internes, leur nombre s’élevait à 333 000 personnes.
Les forces étrangères prises pour cible
Toutes ces situations sont tributaires de cette crise sécuritaire, qui coupe le sommeil aux populations des zones de conflit en les privant des besoins alimentaires, sanitaires, éducatifs, etc. Ces crises ont détérioré davantage les valeurs du vivre-ensemble au Mali.
Face à cette situation persistante dans le pays, beaucoup de citoyens, au lieu de privilégier l’autoexamen critique, s’en prennent plutôt à des étrangers (des partenaires militaires du Mali) qu’ils accusent d’être à l’origine de ces conflits. Le vendredi 26 mars dernier, une grande mobilisation a regroupé des milliers de personnes à Bamako pour demander le départ des forces étrangères, notamment la France. Une mobilisation qui n’était d’ailleurs pas à sa première fois. Les citoyens à la base de cette mobilisation attribuent à ces forces étrangères une volonté politique de défense des intérêts de leur État et non pas le retour de la sécurité au Mali.
Certes, ces forces étrangères pourraient traduire une tentative de « recolonisation », mais ce qu’il ne convient pas d’oublier non plus, c’est que lorsque le mur est fissuré, les margouillats l’y pénètrent pour en faire un lieu de refuge.
De l’auto-critique
L’une des causes cardinales de cette crise sécuritaire au Mali est la dislocation du tissu social. Une fois que l’individualisme prend le pas sur la défense de la chose commune, il est évident de s’attendre à des querelles intestines. « Les meilleures des créatures parmi nous seront celles qui vivront dans l’Amour et la Charité et dans le respect de leur prochain. Droites et lumineuses, elles seront comme un soleil qui se lève et qui monte droit vers le ciel », indique le Sage de Bandiagara, Tierno Bokar, rapporté par Amadou Ampaté Bâ. Cet « Amour » et cette « Charité », qui conduisent au règne de la tolérance, sont un chemin d’or vers l’acceptation des autres.
Ce ciment du vivre-ensemble est pourtant ce qui manque dans cette société malienne depuis belle lurette. Une société marquée davantage par l’individualisme, l’hypocrisie, l’injustice, l’inégalité et par ricochet la « médiocrité ». Comment vivre-ensemble, éviter des intrusions, si les citoyens eux-mêmes ne réussissent pas à consolider les liens sociaux en transcendant leur égo. Il suffit de jeter un regard rapide sur les grandes familles qui ont jadis fait la force de ces sociétés. Aujourd’hui, elles sont quasiment toutes disloquées. Sûrement que c’est la faute à l’autre aussi !
Au lieu des sempiternelles accusations des autres dans nos maux, il est temps que les Maliens se soumettent à une autocritique « sans complaisance ». Lorsque les uns et les autres réussiront à accepter leurs frères et sœurs malgré leur différence, le pays pourrait dénouer avec les crises qui l’étouffent.
« La paix n’est pas un vain mot, mais un comportement », disait l’ex-président ivoirien Houphouët Boigny. Sans esprit de tolérance entre les citoyens, il sera difficile d’arriver à une paix durable. Pour parler comme l’ancien ministre malien, Ousmane Sy, la « solution à la crise malienne » est entre les mains des Maliens.
Fousseni Togola
Source : maliweb.net
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