Après plus d’un an de différend relatif au paiement de taxes et d’impôts consécutif à l’application du nouveau Code minier, l’État malien et la multinationale canadienne Barrickgold sont finalement parvenus à un accord. La cérémonie de signature du document a eu lieu, le lundi 24 novembre 2025 au ministère de l’Économie et des Finances. C’était en présence de Alousséni Sanou, du ministre des Mines, Amadou Kéïta et, d’une délégation de Barrickgold.
Depuis sa prise de fonction en qualité de Président de la transition, le général d’Armée Assimi Goïta a fait de la défense des intérêts du peuple son cheval de bataille. C’est dans ce cadre qu’il a commandité un audit des mines du Mali qui a révélé un manque à gagner pour l’État de 300 à 600 milliards de FCFA. Pour que cela ne se reproduise plus, un nouveau Code minier a été adopté en 2023. Ce nouveau texte augmente non seulement la participation nationale à 35% ( État malien : 30% et 5% pour les privés maliens) dans les actions , mais aussi supprime les exonérations fiscales accordées aux multinationales au cours de l’exploitation.
Les deux compagnies récalcitrantes
Dans le cadre de la mise en œuvre de ce code, en vue de réclamer les arriérés d’impôts et taxes aux multinationales, le gouvernement a adopté un projet de modification du décret n°2016-0801/P-RM du 20 octobre 2016 fixant les conditions d’acceptation d’une transaction avant la mise en œuvre de l’action judiciaire dans le cadre des poursuites pour infraction à la réglementation des relations financières extérieures des États membres de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine.
C’était le rapport du ministre de l’Économie et des Finances. C’était lors de la session du conseil des ministres du mercredi 11 septembre 2024. Après l’adoption de ce décret, les autorités ont mené des actions de sensibilisation auprès des multinationales afin qu’elles se confirment aux dispositions du nouveau Code. Hormis le Canadien Barrickgold, toutes les autres compagnies minières, à commencer par la SEMOS-SA (Société d’exploitation des mines d’or de Sadiola) ont accepté la nouvelle situation en s’acquittant des arriérés d’impôts et taxes.
Comprendre l’opposition de Barrick au gouvernement malien
Le ministre de l’Économie et des Finances, lors de la rentrée parlementaire du CNT d’octobre 2024, avait indiqué que l’État a perçu, à l’issue des négociations avec les multinationales minières, 500 milliards FCFA. Les deux compagnies minières récalcitrantes étaient l’australien Resolute Mining et le canadien Barrickgold.
Cependant, suite à l’interpellation, le vendredi 08 novembre 2024, de son directeur général Terry Holohan et de deux de ses collaborateurs, la société australienne Resolute Mining s’est ravisée à respecter les nouvelles dispositions légales.
Dans un communiqué, elle avait déclaré lundi 11 novembre 2024, qu’elle verserait 160 millions de dollars (soit 100 milliards F CFA) au gouvernement malien et qu’elle avait effectué un premier paiement de 80 millions de dollars et effectuera des paiements ultérieurs d’environ 80 millions de dollars dans les mois suivants à partir de ses sources de liquidités existantes. Quant à Barrickgold, il s’est totalement insurgé contre la nouvelle loi. Il a ouvert, ainsi, un feuilleton digne d’un film hollywoodien qui a pris fin le lundi 24 novembre 2025 par la conclusion d’un accord.
Un accord conforme au nouveau Code minier
Il prévoit une série de concessions mutuelles. Par rapport à la clôture de l’arbitrage et libération des employés, Barrick s’engage à abandonner son arbitrage en cours auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (ICSID). En retour, le gouvernement malien s’engage à retirer toutes les accusations portées contre Barrick et à libérer immédiatement quatre de ses employés qui étaient retenus. En outre, il met fin à la mise sous administration provisoire du complexe Loulo-Gounkoto, restituant le contrôle opérationnel complet à Barrick.
Concernant l’alignement sur le nouveau Code minier, Barrickgold s’engage à s’y conformer. D’après le ministre d l’Economie et des Finances, Alousséni Sanou, l’accord va permettre d’empocher annuellement 220 milliards de F CFA.
Par ailleurs, selon le média américain « Bloomberg« , dans une publication du mardi 25 novembre 2025, le règlement du litige s’accompagne du versement par la compagnie de 244 milliards FCFA (environ 430 millions USD) à l’État malien. Et, le média américain d’ajouter que Barrick versera 144 milliards FCFA au gouvernement malien, dans les six jours suivant la signature de l’accord. Barrick ayant déjà remis 50 milliards FCFA l’année dernière dans le cadre du règlement du litige, la compagnie ne devra compléter que 50 milliards FCFA, par le biais de crédits de TVA ( Taxe sur la valeur ajoutée).
Un différend à plusieurs rebondissements
Pour faire respecter le nouveau Code, les autorités avaient procédé, le 25 septembre 2024, à l’arrestation de quatre hauts cadres de la compagnie canadienne Barrickgold. Après quelques jours de détention, ils ont été élargis suite à un accord portant sur le paiement de ce que la compagnie doit à l’État, soit plus de 300 milliards F CFA.
Selon cet accord, Barrickgold avait indiqué qu’il allait verser, en octobre 2024, 50 milliards de FCFA. Mais l’État avait indiqué, le 23 octobre 2024, à travers un communiqué conjoint de deux ministres ( Economie et Finances, Mines), que Barrickgold n’avait pas tenu ses engagements.
Suite à cela, le pôle judiciaire national économique et financier a émis un mandat d’arrestation, le 04 décembre 2024, à l’encontre de Mark Bristow, directeur général à l’époque de Barrickgold et de Cheick Oumar Coulibaly, directeur général du complexe « Gounkoto-Loulo ». En sus, les autorités nationales ont décidé d’interdire la sortie du pays du stock d’or de trois (03) tonnes.
Nomination d’une administration provisoire
En réaction à cet acte de l’État malien, le directeur général de Barrickgold, dans un communiqué de presse publié depuis Toronto (Canada) le 06 janvier 2025, a estimé que le blocage de son stock d’or va affecter la bonne marche de ses activités et que ce sont 8000 maliens travaillant directement et indirectement avec sa mine, qui vont en pâtir. Dans le même communiqué, Mark Bristow a souligné que des employés de sa compagnie sont injustement incarcérés au Mali suite à des accusations sans fondement. Il dit avoir porté le différend qui l’oppose à l’État malien devant le centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Un procès qu’il a perdu.
Ainsi, le 11 janvier 2025, l’État malien a pris une ordonnance judiciaire de saisie du stock d’or prêt à sortir du pays. Face à cette nouvelle situation, Barrick Gold a décidé de suspendre ses activités dans sa mine malienne de Loulo-Gounkoto. Pour combler ce vide, le 16 juin 2025, le tribunal de commerce de Bamako a ordonné la mise sous administration provisoire pour six mois du complexe Loulo-Gounkoto, et a nommé l’ancien ministre de la Santé, expert-comptable de profession, Soumana Makadji, pour en assurer la gestion.
Les autorités maliennes ont également bloqué les exportations d’or issues du site et procédé à la saisie de plusieurs autres stocks d’or appartenant aux filiales locales de Barrick. C’est ainsi qu’environ trois tonnes d’or ont été transportées par hélicoptère sur ordre du gouvernement depuis Loulo-Gounkoto, une opération que la Barrickgold avait qualifiée d’illégale. La compagnie canadienne avait aussi affirmé que l’administrateur provisoire a tenté de vendre une partie de ses réserves afin de financer des activités sur place.
Changement à la tête de la compagnie
Face à toutes ces mesures, Barrickgold a engagé une procédure d’arbitrage auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), invoquant la violation des conventions minières en vigueur. En septembre 2025, le sud-africain Mark Bristow a démissionné de la tête de la compagnie canadienne. Et, Mark Hill a été nommé cille intérimaire. Le nouveau patron a tout de suite relancé les négociations avec l’État malien. Ce qui a abouti à l’accord du 24 novembre 2025.
Il faut signaler que le dénouement de ce différend a été possible grâce à la fermeté des autorités quant à l’application des textes et à la préservation des intérêts nationaux. Une fermeté qui est incarnée par le ministre des Mines et son collègue de l’Economie et des Finances. A cela, il faut ajouter la nomination stratégique d’Hilaire Bébian Diarra comme conseiller spécial du Président de la transition. Diarra est un expert minier malien devenu une figure respectée de l’industrie aurifère en Afrique de l’Ouest. Il a été directeur général de la mine d’or de Tongo ( Côte d’Ivoire) appartenant à Barrickgold qui l’a vendue.
SMC
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
