Dans une ère où l’information est reine, un nouveau projet de loi en Côte d’Ivoire sème l’inquiétude parmi les gardiens de la vérité. Adopté dans un esprit de protection de la vie privée, ce texte menace pourtant de bâillonner le journalisme d’investigation, pilier d’une société transparente et éclairée.
La récente adoption d’un projet de loi en Côte d’Ivoire concernant les communications électroniques a suscité un tollé parmi les professionnels des médias, et à juste titre. Ce texte législatif, portant sur la publication de messages électroniques sans consentement explicite de l’auteur ou du destinataire, semble à première vue protéger la vie privée. Pourtant, sous ce vernis de bonne intention, il cache une potentielle épine dans le pied de la liberté de presse, surtout pour les journalistes d’investigation.
Un outil de censure
Le fait que cette loi ait été unanimement adoptée par une commission mixte de l’Assemblée nationale interroge sur la réelle prise en compte des implications pour le journalisme d’investigation, pilier de toute démocratie vibrante. L’article 214, en particulier, pourrait transformer des actes journalistiques essentiels en délits, soumettant les journalistes à des risques de lourdes peines pour avoir simplement fait leur travail.
Le ministre de la Transition numérique et de la Digitalisation justifie ce projet par la volonté de renforcer la protection de la vie privée. Cependant, dans un paysage médiatique où l’accès à l’information est déjà semé d’embûches, ce cadre juridique risque de devenir un outil de censure, empêchant les journalistes de révéler des vérités qui dérangent. En effet, en érigeant des barrières légales à la publication d’informations, le gouvernement pourrait indirectement museler la presse et étouffer les enquêtes révélant des abus ou des corruptions.
L’ONJI-CI a exprimé ses inquiétudes, prévoyant que cette loi dissuadera les journalistes de mener certaines enquêtes ou de divulguer des informations cruciales pour le public. La protection des sources, pierre angulaire du journalisme d’investigation, pourrait se trouver compromise, mettant en péril l’indépendance journalistique et augmentant les risques juridiques liés à la collecte de preuves.
Un dilemme fondamental
Cette situation met en évidence un dilemme fondamental : comment équilibrer la protection de la vie privée avec le droit à l’information et la liberté de presse ? Si la protection de la vie privée est essentielle, elle ne doit pas servir de prétexte pour entraver l’accès à l’information et limiter la capacité des journalistes à informer le public sur des sujets d’intérêt général.
Alors que le vote en séance plénière approche, il est impératif que les législateurs ivoiriens réévaluent les conséquences de ce projet de loi sur la liberté de la presse et le journalisme d’investigation. Une démocratie robuste nécessite un journalisme libre et audacieux, capable de tenir les pouvoirs en place responsables de leurs actes. Restreindre cette capacité sous couvert de protection de la vie privée pourrait à long terme porter préjudice à la société ivoirienne dans son ensemble, en privant ses citoyens d’une presse libre et investigatrice, essentielle pour le maintien d’une gouvernance transparente et responsable.
Bakary Fomba
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