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Le pouvoir du peuple 

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Face à l’essoufflement du modèle électoral occidental, une nouvelle forme d’expression populaire émerge en Afrique de l’Ouest. À travers l’exemple de l’AES, ce billet explore comment les peuples reprennent le pouvoir — en renouant avec des traditions politiques enracinées, mais longtemps oubliées.

Vous avez dit « démocratie » ? Ce mot noble que l’on répète à l’envi, sur les plateaux de télévision occidentaux, dans les discours des chancelleries, jusque dans les slogans des rues de Bamako ou Ouagadougou. Démocratie — ce système censé incarner l’expression du peuple, par le peuple et pour le peuple. Mais encore faut-il que ce peuple en question existe dans la réalité des décisions, et pas seulement dans les livres des constitutionnalistes.

La centralité du consensus

Longtemps, les urnes ont été présentées comme l’alpha et l’oméga de cette expression populaire. On votait, donc on existait. Mais si voter suffit à définir une démocratie, alors certains régimes parmi les plus autoritaires du continent en auraient été les champions. La vérité est plus complexe, moins confortable : les urnes ne sont qu’un instrument. Un moyen, pas une fin.

Ce que l’on voit aujourd’hui au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), dans cette Afrique de l’Ouest secouée par les vents chauds de la révolte et du réveil, c’est la naissance d’une nouvelle grammaire politique. Ici, le peuple ne se contente plus de glisser un bulletin dans une boîte. Il consulte, il participe, il débat. Il s’impose. Par des dialogues populaires, par des assises nationales, par une réappropriation du politique au quotidien. Une démocratie d’essence communautaire, au sens noble du terme. Moins procédurale, plus existentielle.

Rendons à César ce qui appartient à Soundiata. La Charte du Mandé, ce code oral de gouvernance, bien avant Montesquieu, Rousseau ou Tocqueville, affirmait déjà les droits de chacun, la centralité du consensus, la dignité de l’individu. L’Afrique n’a pas importé la démocratie. Elle l’a pratiquée, à sa manière, dans ses propres langues, avant d’en perdre la mémoire sous le poids de l’écriture — celle des autres. Pendant trop longtemps, n’a existé que ce qui était écrit. Et l’Afrique, disait-on, n’avait rien écrit. Donc rien produit. Donc rien été.

Le peuple reprend la parole autrement

Mais voilà que le stylo change de main. Voilà que les Africains écrivent. Leur histoire, leurs constitutions, leurs modèles. Fini le temps de l’hétéro-histoire. Voici venu celui de l’auto-histoire.

L’AES, qu’on le veuille ou non, marque une rupture. Elle ébranle les dogmes. Elle réinvente une légitimité populaire qui ne passe plus uniquement par les vieilles recettes électorales coûteuses, risquées, souvent biaisées. Le peuple y reprend la parole autrement, peut-être plus authentiquement.

Ce n’est pas une fin de la démocratie. C’est peut-être, simplement, la fin de sa version sous-traitée.

Et si l’Histoire devait retenir une chose, c’est que sur les terres de l’ancien Manding, le pouvoir du peuple ne se négocie plus dans les chancelleries, mais se réinvente à ciel ouvert, au rythme des peuples qui, enfin, s’écrivent eux-mêmes.

Chiencoro Diarra 


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