Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, était, ce vendredi 4 juillet 2025, l’invité de l’émission Mali Kura Taasira 3 sur la télévision nationale. Une occasion pour lui de faire le tour de l’actualité diplomatique du pays, d’en rappeler les avancées, les défis et surtout les choix stratégiques assumés par le Mali dans un contexte géopolitique complexe.
Le chef de la diplomatie malienne a d’abord mis en avant le rôle de plus en plus affirmé du Mali dans la sous-région et au-delà, soulignant que le pays s’appuie désormais sur trois principes clairs définis par le président de la Transition, le Général Assimi Goïta : le respect de la souveraineté nationale, le respect des choix stratégiques et des partenaires, ainsi que la défense des intérêts vitaux du peuple malien. À travers ces principes, le Mali, désormais membre fondateur de la Confédération des États du Sahel (AES), s’affiche comme une puissance souveraine déterminée à faire entendre sa voix.
Une diplomatie fondée sur des principes souverains
Abdoulaye Diop a rappelé que la création de l’AES, d’abord en tant qu’Alliance puis Confédération, répond à une menace existentielle commune ressentie par le Mali, le Burkina Faso et le Niger. L’union des trois pays a permis la mise en place d’une Force conjointe, de mécanismes de sécurité coordonnés et d’une diplomatie unifiée. Il s’agit, selon lui, d’un mécanisme d’assistance mutuelle tourné vers trois piliers : la défense, la diplomatie, et le développement.
Le sommet des chefs d’État du 6 juillet 2024 à Niamey a marqué la formalisation de cette Confédération avec l’adoption d’un logo, d’un drapeau, d’un hymne, et des projets concrets comme la création d’une compagnie aérienne, le développement d’infrastructures ferroviaires et énergétiques, ainsi que la mise en place d’une Banque confédérale d’investissement.
Une Confédération structurée autour de la sécurité et du développement
Sur le plan diplomatique, le ministre Diop a salué les progrès réalisés, notamment la capacité des pays de l’AES à s’exprimer d’une seule voix dans les grandes instances internationales. Il a cité le cas de l’Ukraine, accusée d’avoir apporté un soutien logistique à des groupes armés opérant contre le Mali, ainsi que les tensions avec l’Algérie, dénoncée pour avoir attaqué un drone malien et pour son implication présumée dans le soutien à des groupes terroristes.
Selon lui, cette posture collective est désormais reconnue par plusieurs partenaires tels que la Russie, la Türkiye ou encore le Maroc, qui intègrent désormais l’AES dans leurs approches diplomatiques en Afrique de l’Ouest.
Une voix unifiée face aux défis diplomatiques
Concernant les relations entre la Confédération AES et la CEDEAO, Abdoulaye Diop a clarifié que la rencontre de Bamako avec la Commission de la CEDEAO n’avait pas pour objectif un retour dans l’organisation. « Notre départ est acté et c’est un chemin de non-retour », a-t-il tranché. Cependant, il reconnaît la nécessité de gérer avec responsabilité les questions pratiques liées à des décennies d’interdépendance, notamment la libre circulation, les échanges commerciaux, les projets énergétiques et les partenariats.
Il a insisté sur le fait que les discussions doivent se faire collectivement au nom de l’AES, et non individuellement par chaque pays membre. Pour le ministre, l’objectif est de préserver les acquis de l’intégration tout en mettant en place un nouveau cadre de coopération.
CEDEAO-AES, un désengagement coordonné et pragmatique
Abdoulaye Diop est également revenu sur les relations bilatérales, soulignant la volonté du Mali de maintenir des rapports de bon voisinage, fondés sur la non-ingérence et la fraternité entre les peuples. Il a insisté sur la diversification des partenariats internationaux, présentée comme un levier d’autonomie. Le ministre a notamment salué les appuis du Qatar (50 millions de dollars d’aide budgétaire), les partenariats prometteurs avec les Émirats arabes unis, et les relations florissantes avec des puissances comme la Russie, la Chine ou encore la Türkiye.
Cette diversification, selon lui, n’est pas un rejet de certains pays mais une volonté stratégique d’atteindre des objectifs concrets, notamment dans les domaines de la défense, de la sécurité et du développement. Le Mali, assure-t-il, ne souhaite plus dépendre d’un seul bloc d’influence.
Vers un monde multipolaire, la diversification des partenariats
Le ministre a regretté que certains choix stratégiques du Mali aient suscité des tensions, notamment avec la France, qui peine à accepter que le Mali définisse librement ses partenaires. Il a aussi affirmé que la fermeture des consulats français dans les pays de l’AES relevait d’une décision unilatérale de Paris, en réaction à la nouvelle orientation politique des trois États.
Abdoulaye Diop a par ailleurs annoncé le retrait du Mali de l’Organisation internationale de la Francophonie, dénonçant une politique de « deux poids, deux mesures » au sein de l’institution. Pour lui, toute organisation doit respecter ses propres règles, applicables équitablement à tous ses membres.
Ruptures diplomatiques assumées et souveraineté revendiquée
S’agissant des Nations unies, il a précisé que le Mali reste un membre actif de l’ONU et continue de collaborer avec ses agences, programmes et fonds, malgré la fin de la mission de la MINUSMA. Le pays, dit-il, reste engagé sur la scène internationale mais entend désormais défendre ses intérêts sur la base de principes clairs.
Pour conclure, le chef de la diplomatie malienne a insisté sur l’importance de faire comprendre aux populations la démarche des autorités de la Transition : la refondation, la souveraineté retrouvée, et la nécessité de répondre aux défis sécuritaires et économiques. Il a dénoncé les narratifs dévalorisants souvent relayés à l’encontre du Mali, du Burkina Faso et du Niger, insistant sur la nécessité de changer les perceptions internationales à l’égard de l’AES.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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