D’après le huitième point des douze (12) accords coloniaux, les anciennes colonies françaises de l’Afrique devenues des États indépendants doivent utiliser le franc CFA comme monnaie. Mais, le 1er juillet 1962, le Mali décida autrement en adoptant sa propre monnaie, le franc malien.
La monnaie remplit, traditionnellement, trois fonctions : moyen d’échange, unité de compte, réserve de valeur. En tant que moyen d’échange, la monnaie permet de réguler des transactions commerciales ou entre particuliers. Elle peut être échangée contre des biens ou des services. Elle possède un pouvoir libératoire immédiat. En sa qualité d’unité de compte, elle permet d’établir les prix grâce à une unité reconnaissable et acceptée par tous. Elle permet de comparer la valeur relative de biens et de services. Et, en tant que réserve de valeur, elle peut être épargnée et utilisée pour conserver ou transmettre à travers le temps.
Disposer de sa propre monnaie, un signe de souveraineté
Un pays, qui dépend d’un autre par rapport à la monnaie, ne peut en aucune manière être indépendant, à fortiori, se développer harmonieusement. C’est ce qui est le cas du franc CFA, créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par la France pour continuer à avoir un contrôle sur ses anciennes colonies de l’Afrique. Ainsi, ces anciennes colonies africaines et la Banque de France sont liées par des accords de coopération incluant le dépôt d’une partie des réserves de changes à la Banque de France et la garantie du franc CFA par la France.
Au regard de cette dépendance, disposer de sa propre monnaie est un signe de souveraineté et d’indépendance. C’est dans cette optique que le régime de Modibo Keïta (1960-1968) a créé le franc malien qui était battu en Tchécoslovaquie. Une décision qui va créer des tensions tant à l’interne qu’à l’international.
À l’interne, ce fut une décision contestée par une partie de l’élite
La mise en circulation de la nouvelle monnaie, le 1er juillet 1962, laisse jusqu’au 15 juillet aux Maliens pour changer leurs francs CFA en francs maliens. Les Maliens, redoutant des dévaluations de la nouvelle monnaie, ont préféré garder leurs francs CFA, via les échanges commerciaux avec les pays voisins. Le gouvernement interdit alors la conversion en franc CFA, et fait arrêter et emprisonner ceux qui s’adonnaient à cette pratique.
En fin juillet 1962, des marches de protestation ont été menées par des commerçants ayant entrainé l’arrestation de leaders politiques et du secteur économique dont les plus connus étaient Fily Dabo Sissoko, Hamadoun Dicko du PSP (Parti progressiste soudanais), Maraba Kassoum Touré (opérateur économique influent). Des situations qui vont continuer et vont aboutir à la dévaluation de 50 % le franc malien en 1967.
Sur le plan international, le pays a été davantage isolé
L’ancien colonisateur n’est pas resté les bras croisés. Il a entrepris de saboter l’économie du Mali par tous les moyens afin de ne pas permettre à d’autres anciennes colonies de suivre le chemin du président Modibo Keïta. Étouffé de toutes parts, le régime de Modibo Keïta finit par engager des négociations pour revenir dans l’espace UEMOA (Union Monétaire ouest-africaine), la zone monétaire du franc CFA pour les pays francophones de l’Afrique de l’Ouest.
C’est dans ces conditions qu’un coup d’État militaire mit fin, le 19 novembre 1968, au régime de la première République. Et le 1er juillet 1984, le Mali fit son retour dans le franc CFA, mettant brutalement fin à sa volonté de souveraineté monétaire.
Sidi Modibo Coulibaly
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