La lecture est de plus en plus déconsidérée au Mali. Dans cet article, nous faisons comprendre quelques causes de cette aversion pour les livres. Nous faisons également des propositions pour soigner ce mal.
« Si je veux m’endormir vite, il me suffit de me mettre à lire un livre », entend-on le plus souvent de la bouche de certains parents et mieux d’enseignants. Un pays où les adultes gardent une aversion affichée pour la lecture, comment veut-on que les enfants aient l’amour du livre ?
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C’est dans ce sens que Jean-Jacques Rousseau, dans « l’Émile », son ouvrage sur l’éducation, s’interrogeait : « L’art de parler aux absents et de les entendre, l’art de leur communiquer au loin sans médiateur nos sentiments, nos volontés, nos désirs, est un art dont l’utilité peut être rendue sensible à tous les âges. Par quel prodige cet art si utile et si agréable est-il devenu un tourment pour l’enfance ? »
À travers ce passage, ce philosophe français du 18e siècle tente de comprendre pourquoi la lecture, qui constitue une alimentation pour l’esprit, devient la chose la plus méprisée des enfants. Pourtant, ces âmes neuves se caractérisent par leur grande curiosité.
Se remettre en cause
Rousseau tout comme John Locke, philosophe anglais du 17e siècle, situent l’aversion des enfants pour les livres au niveau des adultes. Ils remettent en cause les méthodes que nous utilisons pour les attirer vers les livres. « La lecture est le fléau de l’enfance, et la seule occupation qu’on lui sait donner », indique l’auteur de « l’Émile ». Selon celui-ci ce n’est point en transformant la chambre de l’enfant en une bibliothèque ou une librairie que nous cultiverons en lui cet amour de la lecture.
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Dans un commentaire d’une de mes vidéos sur ma chaîne YouTube, Rebecca Manach, professionnelle d’enseignement, met le doigt sur ce qu’elle pense être la cause de l’aversion pour la lecture au Mali. Elle fait remarquer que « Les enseignants ne lisent pas, ils ne donnent pas de livres à étudier non plus. Un étudiant peut arriver à l’université sans avoir lu un seul livre et mieux, au Mali, on peut faire un mémoire sans avoir lu un livre ! »
Des écrivaines expliquent
Lors d’une rencontre littéraire à Bamako en 2019, l’écrivaine malienne Fatoumata Kéïta a indiqué, quant à elle, que les enfants ne détestent pas la lecture. Selon elle, ce sont nos méthodes qui doivent être remises en cause. À l’en croire, dans un pays où dans la capitale, il n’y a qu’une seule bibliothèque publique, et où les écoles n’en disposent même pas, comment inculquer l’amour de la lecture aux enfants. Ce sera difficile.
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De son côté, Aïcha Diarra, écrivaine et directrice des éditions Gafe, situe ce problème à un niveau politique. Selon elle, on ne tient pas compte du goût des enfants dans la conception des programmes scolaires et universitaires. Au lieu d’inscrire dans ces programmes, des auteurs maliens, on fait étudier aux enfants des écrivains étrangers, explique-t-elle. Or, ce sont nos auteurs qui leur parlent directement. Elle ajoute à cela, l’inexploitation des langues nationales dans les écrits. Toutefois, elle invite à tenir aussi compte d’un aspect : « Nous sommes un peuple enraciné dans l’oralité. » L’amour pour les livres doit alors être cultivé.
Pour sortir de ce labyrinthe, qui ne peut que conduire à une régression de niveau éducatif dans le pays, il faut…
Cultiver l’amour de la lecture
Comme Aïcha vient de le dire, Rousseau trouve nécessaire de commencer par créer chez l’enfant le désir de lire en l’aidant, au fur et à mesure, à découvrir les belles histoires qui se cachent dans les livres. Mais non pas les forcer à être permanemment en contact avec les livres. Il faut être méthodique.
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Cette position est également celle soutenue par John Locke qui estime que l’enfant est un être qui assure la police de sa liberté naturelle. Il désire exercer ses talents sans y être contraint. À ce titre, il faut lui cultiver l’amour de la lecture à travers le jeu sans lui fixer un programme précis pour ce faire.
Pour sa part, Fatoumata Kéita prône une plus grande décentralisation des bibliothèques. Outre cela, elle invite les auteurs et les éditeurs à aller à la rencontre des lecteurs. Cela, à travers des sorties littéraires dans les écoles, séances de présentation de livres. En un mot, appliquer la méthode de la « pyramide inversée » des entrepreneurs. Du côté des parents, elle les invite à offrir le plus souvent des livres en cadeau aux enfants au lieu des fusils et autres jouets peu instructifs.
Ce que la lecture nous apporte
L’exercice intellectuel qu’est la lecture doit être mis au centre de l’éducation et de l’instruction des enfants. Car selon René Descartes, philosophe français du 17e siècle, « [ndlr] la lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés, qui en ont été les auteurs. »
La lecture permet de voyager à travers le temps et l’espace sans bouger d’un iota. Chaque livre découvert nous introduit dans un monde nouveau qui enrichit nos connaissances.
Selon l’écrivaine Aïcha Diarra, « Le livre emmagasine tout ce que l’être humain a pu faire comme recherche dans toutes les sciences. »
Comme dit Locke, « [ndlr] la connaissance plaît à l’esprit, comme la lumière plaît aux yeux. Les enfants l’aiment avec passion et trouvent plaisir à l’acquérir [ndlr]. » Or, la lecture est ce moyen mis à notre disposition pour grandir en connaissance. Alors grandissons en bonne santé pendant qu’il est encore temps.
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