Dans un Mali en quête de refondation, l’accès à l’eau devient un enjeu politique majeur – entre diplomatie du développement et souveraineté hydrique.
Alors que la planète célébrait, le 22 mars dernier, la Journée mondiale de l’Eau, le Mali, pays sahélien par excellence, a choisi d’en faire un temps fort de réflexion stratégique, bien au-delà du rituel protocolaire. Dans un contexte de tension hydrique, d’urbanisation accélérée et de dérèglement climatique, les autorités de la Transition ont mis en scène une ambition assumée. Celle de faire de l’accès à l’eau un droit, et non un privilège.
C’est dans cet esprit que le ministre de l’Énergie et de l’Eau, Boubacar Diané, a présenté au Conseil des ministres les contours de la célébration nationale de cette journée. Et si, à l’international, le thème retenu cette année par les Nations unies – « La préservation des glaciers » – semble, a priori, éloigné des réalités maliennes, il n’en demeure pas moins que ses prolongements sur le cycle global de l’eau résonnent jusque dans les replis de la région de San ou les périphéries de Bamako.
Car l’enjeu est double. Il est climatique, certes, mais aussi politique et social.
Des mots aux actes, un projet structurant
Fait rare dans un agenda gouvernemental souvent dominé par les urgences sécuritaires, le Conseil des ministres du 27 mars a adopté un projet de texte actant la ratification d’un accord de financement avec l’Association internationale de Développement (IDA). En jeu : 92,2 millions d’euros, soit plus de 60 milliards de francs CFA, pour un projet d’envergure baptisé Projet d’Appui pour la Sécurité de l’Eau au Mali.
Ce financement n’est pas anodin. Il porte sur la construction de systèmes d’alimentation en eau dans cinq villes clés – Bamako, San, Bafoulabé/Mahina, Dioïla et Ouéléssebougou. Concrètement, des forages, des stations de pompage, des réservoirs, des réseaux de distribution, des bornes fontaines et des branchements sociaux. Autant dire, des infrastructures vitales, dans un pays où, selon les chiffres les plus récents, près d’un tiers de la population reste encore privé d’un accès régulier à l’eau potable.
Eau et souveraineté sociale
En évoquant les « causes et conséquences de la pollution des cours d’eau au Mali », l’édition 2025 de la Journée mondiale de l’Eau a aussi mis en lumière une autre réalité : celle des sources empoisonnées, des fleuves asphyxiés, des nappes phréatiques surexploitées, dans un pays où la pression démographique ne cesse d’augmenter.
Mais au-delà du constat, c’est la volonté d’agir qui se dessine, peu à peu, au sommet de l’État. Dans les discours, d’abord, où les mots « souveraineté », « résilience » et « justice sociale » s’imposent comme autant de mantras de la refondation. Et dans les actes, ensuite, par des projets structurants dont les retombées ne se mesureront pas uniquement en kilomètres de tuyaux posés, mais en nombre de familles soulagées, de quartiers désenclavés, de femmes et d’enfants épargnés par la corvée quotidienne de l’eau.
Un pari sur l’avenir
En choisissant d’adosser sa stratégie hydrique à la coopération internationale, tout en conservant la main sur les priorités locales, le gouvernement malien joue une partition équilibrée entre pragmatisme budgétaire et volontarisme politique. Dans une Afrique en quête de modèles de développement endogène, le Mali entend montrer qu’il est possible de concilier urgence sociale et souveraineté politique, dans le respect des engagements environnementaux globaux.
En somme, l’or bleu malien n’est plus seulement une question de plomberie ou de géologie. Il est devenu un symbole de résistance, d’organisation et de projection collective. À l’image de cette transition qui veut inscrire l’essentiel – l’eau, l’énergie, la terre – au cœur de la refondation nationale.
Chiencoro Diarra
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