À Bamako, le chômage des jeunes reste un défi majeur. Face à l’absence d’emplois stables, beaucoup se tournent vers la débrouillardise et l’entrepreneuriat. Certains innovent, d’autres créent leurs petites entreprises, tandis que d’autres suivent des formations pour se professionnaliser. Voici quatre portraits de jeunes Maliens qui illustrent cette énergie nouvelle.
Moussa Diarra : du bureau à la moto
Dans le quartier de Magnambougou, Moussa Diarra gare sa moto devant une boutique. Il a 28 ans et arbore un large sourire malgré la fatigue. Diplômé d’un BT2 en comptabilité, il n’a jamais trouvé d’emploi dans son domaine. « J’ai déposé beaucoup de dossiers, mais personne ne m’a jamais rappelé », raconte-t-il.
Pour subvenir à ses besoins, il a d’abord travaillé comme conducteur de moto-taxi pour une société privée. Chaque semaine, il devait verser 15 000 francs CFA pour conserver la moto qu’il utilisait. « Ce n’était pas facile, je gagnais à peine de quoi vivre, mais j’ai appris à économiser un peu chaque jour », explique-t-il.
Après deux ans de travail acharné, il a réussi à s’acheter sa propre moto. Aujourd’hui, il travaille à son compte et gagne mieux sa vie. « Je suis libre maintenant. C’est moi qui décide quand je roule et combien je gagne », dit-il fièrement.
Son parcours symbolise celui de nombreux jeunes Bamakois qui, faute d’emplois stables, choisissent la débrouillardise comme seul moyen de s’en sortir.
Kadi Créa : transformer des sacs à main en succès
Dans son petit atelier de Missira, Kadidia Diakité, 26 ans, transforme des sacs à main en les personnalisant et en les relookant pour en faire des accessoires de mode uniques. Son entreprise, qu’elle a baptisée « Kadi Créa », emploie aujourd’hui quatre personnes. « J’ai commencé avec une seule machine à coudre, que j’avais empruntée à ma tante », se souvient-elle.
Elle fait partie d’une nouvelle génération d’entrepreneurs maliens qui misent sur la créativité et l’économie circulaire. « On peut créer de la valeur ici, au Mali, avec nos propres moyens. Il faut juste croire en ce qu’on fait », affirme-t-elle.
Mariam Bengaly : pâtisserie et entrepreneuriat numérique
Originaire de Niamacoro, à Bamako, Mariam Bengaly a créé sa propre marque informelle, « Mariam Délice », faute de récépissé officiel. Après avoir suivi une formation en pâtisserie, elle confectionne toutes sortes de gâteaux et sucreries.
Aujourd’hui, elle excelle dans son domaine, notamment à Sikasso, où elle travaille avec sa sœur lorsque Mariam est en déplacement. Pour élargir sa clientèle, elle utilise les réseaux sociaux, où elle promeut ses créations et d’autres articles alimentaires.
« J’ai commencé avec peu de moyens, mais avec de la créativité et de la rigueur, j’ai pu me faire un nom », explique-t-elle. Mariam incarne cette jeunesse malienne qui réinvente l’économie informelle et transforme son talent en opportunité.
Adama : de la formation à l’emploi durable
Adama, 23 ans, a suivi une formation en installation de panneaux solaires grâce à un programme de soutien aux jeunes de Bamako. Avant, il effectuait de petits travaux pour survivre. Aujourd’hui, il exerce un métier stable et peut former d’autres jeunes de son quartier. « Ces formations changent la vie », dit-il. « Elles nous donnent une compétence réelle et la possibilité de créer notre propre emploi. »
Obstacles et défis
Malgré ces réussites, les jeunes entrepreneurs font face à de nombreux obstacles. L’accès au financement reste limité, les banques demandant des garanties que la plupart des jeunes n’ont pas. La bureaucratie et le manque de structures d’accompagnement ralentissent également la concrétisation des projets. À cela s’ajoute la précarité économique, qui oblige certains à cumuler plusieurs activités pour survivre. Ces difficultés n’empêchent pas certains de persévérer, mais beaucoup abandonnent faute de soutien.
L’espoir d’un avenir meilleur
Malgré tout, une énergie nouvelle se dégage. Entre débrouillardise et innovation, les jeunes Maliennes et Maliens montrent qu’il est possible de créer des opportunités, même dans un contexte difficile.
« Avant, on pensait qu’il fallait forcément être fonctionnaire pour réussir », confie Moussa Diarra. « Aujourd’hui, on comprend qu’on peut bâtir quelque chose par soi-même. »
Dans les rues animées de Bamako et au-delà, ces jeunes inventent leur avenir avec courage et détermination, transformant défis et obstacles en véritables tremplins pour l’avenir.
Contexte de l’emploi au Mali
Les stratégies et programmes mis en œuvre pour promouvoir l’emploi au Mali ont permis d’améliorer certains indicateurs. Selon les résultats d’une enquête de l’institut national de la statistique, la population en âge de travailler (15 à 64 ans) était estimée à 8 867 187 individus, soit 46,9 % de la population totale.
Malgré ces efforts, les inégalités persistent, notamment entre hommes et femmes et entre milieu urbain et rural. Les défis restent importants en raison de l’arrivée constante de jeunes sur le marché du travail, du niveau d’instruction, de l’inadéquation entre la formation et les opportunités d’emploi, de la prédominance du secteur informel et du faible accès au crédit.
L’emploi informel reste majoritaire, avec 98,9 % dans le milieu rural et 93,8 % en milieu urbain. Le groupe d’âge le plus représenté dans ce secteur est celui des 15-24 ans (99,5 %), contre 96,7 % pour les 35-54 ans et les 55-64 ans. Les personnes sans aucun niveau d’éducation représentent 99,6 %, contre 70,1 % pour celles ayant un niveau supérieur. Le chômage touche particulièrement les jeunes et est plus marqué en milieu urbain.
Ces chiffres montrent que malgré les réussites individuelles, le défi du chômage reste réel et structurel, ce qui explique en partie pourquoi tant de jeunes se tournent vers l’entrepreneuriat et la créativité pour se construire un avenir.
Cheickna Coulibaly
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
