L’espace politique malien ressemble à un champ de bataille entre des lions dans lequel le peuple ne serait qu’un agneau.
« Allez dire aux hommes politiques qu’ils enlèvent nos noms dans leurs histoires. On a tout compris ! Ils nous utilisent comme des chameaux vers des destinations inconnues. Ils allument le feu, ils l’attisent après ils viennent jouer aux pompiers. On a tout compris ! », a chanté Tiken Jah Fakoly. Ces propos sont d’actualité au Mali depuis quelques années. L’instrumentalisation du peuple par la classe politique est une réalité dans ce pays qui vient de consommer deux coups de force en l’espace de neuf (9) mois.
« Ôte-toi de là que je m’y mette »
L’instabilité politique et institutionnelle au Mali semble relever, en grande partie, de la responsabilité de ces hommes politiques, qui, pour la défense de leurs intérêts, entraînent le peuple dans les rues. Un peuple qui bêle comme eux à la fraude, à la mauvaise gouvernance, à l’insécurité, à tous les maux imaginables et inimaginables. Quel reproche le président du Parena, alors parti d’une opposition assez radicale, Tiebilé Dramé, n’a pas fait au régime IBK avant de passer à table en tant que ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale ?
« Ceux qui sont appelés à gérer le pays un jour ou l’autre doivent savoir que leurs déclarations pourront les rattraper », avertissait Choguel Kokalla Maïga, dans une interview accordée à RFI en 2016, alors qu’il occupait le portefeuille de ministre de la Communication et de Porte-parole du gouvernement. À l’époque, il était un véritable défenseur d’IBK. Ne défendait-il pas ce chef d’État bec et ongles contre les attaques de Tiébilé Dramé qui qualifiait les dirigeants du Mali « d’autistes » ?
Depuis le 5 juin 2020, le même Choguel ne s’est-il pas retrouvé avec plusieurs couches de la société malienne dans un mouvement hétéroclite, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces Patriotiques (M5-RFP), qui indique travailler au nom du peuple malien ? À travers des discours « démagogiques », les leaders du M5, parmi lesquels Choguel Maïga, ont réussi à faire partir l’ex-président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) avant de forcer à la démission le président de Transition installé après le coup d’État du 18 août 2021. A la politique du venir m’accompagner à manger pour que je te détruise, se succède la politique du « ôte-toi de là que je m’y mette ».
Le peuple a-t-il tout compris ?
Le départ de Bah Ndaw et la venue du M5 à la primature ont permis de mieux comprendre le jeu de ce mouvement hétéroclite. Si le départ du Premier ministre Moctar Ouane et la dissolution du Conseil National de Transition (CNT) faisaient partie des revendications du M5, depuis son intégration dans le gouvernement, cette dissolution ne semble plus être à l’ordre du jour. Elle ne ferait plus partie des doléances de ce peuple auquel ils se réclamaient.
Chacun se retrouve avec le peuple tant qu’il n’est pas invité à table. Mais une fois invité, le peuple dont il se réclamait est jeté en pâture, comme un petit morveux. Rares sont ceux d’entre eux qui partagent les souffrances du peuple. Les mêmes qui aident à manger, refusent plus tard de faire la vaisselle et s’arrangent du côté du peuple, qui fait le martyr pour l’atteinte de leurs objectifs. Comment voulez-vous qu’il y ait la paix, la stabilité et, par ricochet, le développement dans ces circonstances ? Comme pour répondre à Tiken Jah Fakoly, le peuple malien n’a pas encore tout compris.
Fousseni Togola
Cet article a été initialement publié sur le site de Maliweb. Il a été repris et relu par Sahel Tribune.
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