Alabourou Guirou est enseignant de formation. Il détient une maîtrise en anglais unilingue et enseigne cette langue au niveau fondamental. Il est également agri-preneur et promoteur de l’entreprise Agro-Amassagou, implantée sur un quart d’hectares à Djenné, dans la région de Mopti. Sahel Tribune l’a rencontré pour parler de son parcours entrepreneurial et de sa vision pour le développement d’unités de transformation au Mali. Tout en évoquant l’impact de son entreprise sur la communauté locale, M. Guirou propose des solutions innovantes pour surmonter les difficultés auxquelles les agri-preneurs maliens font face aujourd’hui. Nous vous invitons à lire l’intégralité de notre entretien exclusif.
Sahel Tribune : Pouvez-vous nous parler de ce qui vous a poussé vers l’agriculture ? Cette entreprise date de quelle année ?
Alabourou Guirou : Il n’échappe à personne que le développement d’une nation repose sur l’agriculture. Le Mali possède de vastes terres arables, mais une grande partie de la population n’a pas accès à une alimentation saine, en raison du manque d’investissement dans le domaine de l’agrobusiness par de grandes entreprises. Face au déficit d’autosuffisance alimentaire, j’ai décidé d’investir dans l’agriculture afin de relever ce grand défi auquel le Mali est confronté.
Cette idée m’est venue depuis mon adolescence, lorsque je faisais mes études secondaires dans la ferme de mon grand frère. À mon arrivée à Djenné, après plusieurs recherches, j’ai réalisé que c’était un lieu où je pouvais concrétiser mes rêves. J’ai donc saisi cette opportunité et créé mon entreprise en 2022.
Qu’est-ce qui distingue Agro-Amassagou des autres entreprises agricoles au Mali ?
Agro-Amassagou se distingue de nombreuses entreprises évoluant dans le secteur de l’agrobusiness. Les autres utilisent des produits chimiques pour cultiver les légumes et les fruits. Chez Agro-Amassagou, nous produisons nous-mêmes des engrais organiques 100 % bios, destinés à nos plantations et à nos produits maraîchers, afin de réduire les maladies causées par les produits chimiques, notamment ceux importés de certains pays. L’objectif est également d’augmenter la durée de conservation des produits pour les revendeurs et les consommateurs.
Sur le marché, nous faisons face à des produits provenant de certaines localités, dont les prix sont élevés pour les clients. Compte tenu des temps de conservation et des coûts de transport, nous offrons nos produits frais et 100 % bios à un prix raisonnable.
Quels types de cultures privilégiez-vous et pourquoi ?
Nous privilégions la culture de la papaye, de l’oignon, de la salade, du gombo, du maïs, etc., car ces produits sont très demandés sur le marché, particulièrement à Djenné.
Quels sont vos objectifs à court, moyen et long terme pour Agro-Amassagou ?
À court terme, nous souhaitons augmenter la production pour répondre aux besoins des clients, créer des unités de transformation pour nos produits (oignons secs et jus de papaye), mettre en place une unité de fabrication de fumure organique et étendre la vente de nos produits dans d’autres localités au-delà de Djenné.
Pour nos objectifs à long terme, nous prévoyons de créer plusieurs sites de maraîchage dans différentes localités du Mali où le besoin se fait sentir, et de fonder une école d’agrobusiness ainsi que des centres de formation Agro-Amassagou, combinant théorie et pratique pour encourager les jeunes maliens à investir davantage dans l’agriculture.
Comment envisagez-vous le développement d’unités de transformation ?
Pour développer des unités de transformation, il nous faut des marques de produits conformes aux codes du commerce. Il est également nécessaire de disposer de matériels adaptés pour garantir la sécurité des consommateurs.
Quel impact pensez-vous que votre entreprise a sur la communauté locale ?
Agro-Amassagou a un impact significatif sur la communauté de Djenné et ses environs. Tout d’abord, elle crée des emplois locaux (avec cinq personnes comme employés), en réduisant l’usage de produits chimiques qui ont un effet négatif sur la santé. De plus, l’entreprise fournit des produits frais et bios à la population, à un coût accessible.
Comment travaillez-vous avec les agriculteurs locaux pour promouvoir des pratiques durables ?
Nous collaborons avec d’autres agriculteurs de la communauté afin de répondre à la forte demande des consommateurs. Nous nous concertons pour optimiser la production et organisons des visites pour échanger sur les difficultés du métier, afin de trouver ensemble des solutions efficaces. Comme le dit l’adage, « Seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin ».
Comment la technologie influence-t-elle votre manière de travailler ?
La technologie a un impact positif sur notre activité, notamment grâce à l’utilisation de machines telles que les pompes solaires et les systèmes d’arrosage automatisés. Cela permet de réduire les coûts de production et le temps de travail. L’accès aux informations via les réseaux sociaux est également un atout pour se tenir informé des innovations et produits disponibles.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez dû faire face en tant que jeune agriculteur au Mali ?
L’entrepreneuriat est synonyme de défis quotidiens. Il m’arrive souvent de vouloir tout abandonner, mais la passion et la vision de ce que l’on fait nous poussent à continuer. L’agriculture est un secteur où l’on peut réussir comme échouer, surtout avec les aléas climatiques. Par exemple, j’ai perdu 90 % de mon investissement cette année à cause de l’inondation de mon site de maraîchage. En tant que jeunes entrepreneurs, nous sommes aussi confrontés à des obstacles financiers (difficulté d’accès aux fonds pour atteindre nos objectifs, accès limité aux parcelles agricoles, cherté des équipements) et sociaux.
Quelles solutions proposez-vous pour surmonter ces difficultés ?
Avec la passion, la patience, le courage et la détermination, nous pouvons relever les défis. Toutefois, l’État doit jouer son rôle en subventionnant les agri-preneurs, en investissant dans l’agriculture.
Pourquoi avez-vous choisi la zone de Djenné pour développer votre entreprise ?
Djenné offre une grande opportunité agricole, avec une forte demande de produits maraîchers. De plus, l’accès à l’eau pour le maraîchage y est plus facile, et la terre y est fertile, ce qui en fait un lieu propice au développement de l’agriculture.
Propos recueillis par Bakary Fomba
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