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Gabon : Oligui Nguema, candidat unique d’un scrutin pluraliste

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Dix-huit mois après avoir renversé Ali Bongo, le général Oligui dépose l’uniforme pour endosser le costume de candidat. Entre continuité assumée et rupture proclamée, le Gabon s’apprête à voter sous tension contenue.

Libreville – Ce samedi 29 mars, le Gabon s’engagera dans une campagne présidentielle qui n’en porte que le nom, tant les dés semblent pipés d’avance. Dix-huit mois après avoir mis fin à la dynastie Bongo, le général Brice Clotaire Oligui Nguema se présente, non pas en soldat, mais en bâtisseur. L’ancien chef de la garde prétorienne d’Ali Bongo a déposé la vareuse – officiellement – pour se hisser, par les urnes cette fois, à la tête d’un pays qu’il contrôle déjà.

Sept candidats, un scrutin 

Le scrutin du 12 avril prochain doit clore une transition militaire dont les contours ont évolué au gré des humeurs du palais du bord de mer. Initialement annoncée pour durer deux ans, la transition s’est brusquement accélérée, portée par une fièvre législative qui a permis au général-président de « se mettre à disposition » – jolie formule – pour briguer sept années de pouvoir civil.

Entretemps, l’homme s’est fait discret… puis omniprésent. Inaugurations, messes, chantiers, tournées de proximité – tout y est passé. Son épouse Zita n’est pas en reste, animant meetings et comités de soutien. Le décor est planté. Le message aussi : Oligui ne se présente pas, il s’impose. L’appareil d’État, comme les loges traditionnelles et les associations satellites, ont déjà choisi leur camp. Celui du Rassemblement des bâtisseurs.

Face à lui, sept candidats dont un seul fait figure d’adversaire sérieux : Alain-Claude Bilie-By-Nze, ancien Premier ministre d’Ali Bongo. Un comble : l’ex-protégé du régime honni prétend aujourd’hui incarner la rupture. Il dénonce le « faux semblant » d’une transition qui reconduit les méthodes, les visages et les fidélités du passé. Et promet une renaissance gabonaise articulée autour d’un virage libéral, d’une souveraineté industrielle retrouvée, et d’un « minimum jeunesse » à la scandinave.

Le pouvoir s’écrit au fusil avant de se déclamer au suffrage

Mais Bilie-By-Nze ne se contente pas d’un programme. Il dégaine aussi l’arme sensible : Sylvia Bongo et son fils Noureddin, embastillés depuis dix-huit mois sans procès. Il réclame justice, au nom de la République. Oligui, lui, temporise. La justice fait son travail, dit-il, preuves à l’appui. Pas de date de procès, mais une assurance : la procédure est équitable. L’affaire a quitté Libreville pour Paris, où une information judiciaire est ouverte. En coulisses, les avocats de la famille Bongo parlent de torture, d’humiliation, de violation des droits fondamentaux.

Un parfum de revanche plane sur cette séquence. Mais Oligui, en bon stratège, se garde de régler ses comptes frontalement. Il avance masqué, fort du soutien populaire que lui a valu la chute d’un régime à bout de souffle. Pour beaucoup, il est l’homme qui a tourné la page. Pour ses détracteurs, il est simplement la suite sans fin d’une mécanique de pouvoir qui se recycle au gré des costumes – kaki ou civil.

Reste à voir ce que les urnes diront le 12 avril. Le Gabon votera, oui. Mais de quel choix s’agit-il ? D’un plébiscite masqué ou d’un acte fondateur d’une nouvelle République ? Entre les promesses d’un futur civil et les réflexes d’un passé militaire, le général-candidat joue sa légitimité sur deux tableaux. Dans ce pays à la mémoire longue, le peuple, lui, n’a pas oublié que le pouvoir, souvent, s’écrit au fusil avant de se déclamer au suffrage.

Chiencoro Diarra 


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