Discret, méthodique, implacablement efficace, Fassery Doumbia est l’architecte silencieux de la spectaculaire renaissance du PMU-Mali. Formé entre Bamako, Dakar et Paris, ce professeur d’université devenu gestionnaire d’État a imposé son style : rigueur, rentabilité et responsabilité sociale. En trois ans, il a transformé un opérateur de paris en puissance économique nationale, tout en refusant les artifices du populisme. Portrait d’un homme de chiffres à la vision claire, qui préfère les actes aux effets d’annonce.
Il parle peu, mais compte chaque mot. À 63 ans, Fassery Doumbia n’a ni le profil du flambeur ni celui du bureaucrate compassé. En revanche, il en impose. Directeur général du PMU-Mali depuis juin 2021, cet auditeur formé aux meilleures écoles de gestion de Dakar à Paris, ce professeur d’université rompu aux subtilités de l’audit stratégique, s’est mué en capitaine d’industrie publique. Le genre de manager capable de transformer un vieil outil d’État en machine à cash — au profit du Trésor, mais aussi des parieurs. Trois ans seulement après sa nomination, le PMU-Mali est devenu l’un des champions financiers du pays.
De la salle de classe au cockpit économique
Formé à l’ENA de Bamako dans les années 1980, Doumbia aurait pu se contenter d’un parcours académique classique, parsemé de stages, de missions techniques, de bulletins d’audit. Mais l’homme voit grand. Dakar, Paris, Bamako : il accumule diplômes et spécialisations — DESS en audit, Master II en expertise comptable, cursus en droit des affaires. Une trajectoire balisée, rigoureuse, sans faux pas.
Mais ce qui fait sa singularité, c’est sa double vie : professeur rigoureux le jour, stratège économique la nuit. Pendant près de deux décennies, il enseigne l’audit de sécurité informatique, le contrôle de gestion, les finances publiques. Ses anciens étudiants, devenus hauts cadres ou experts internationaux, parlent d’un homme exigeant, méthodique, presque obsessionnel dans sa quête du détail juste.
L’appel de l’État
Avant de prendre les commandes du PMU-Mali, Doumbia aura côtoyé les arcanes de la haute administration. Chef de cabinet au ministère de l’Économie et des Finances, il connaît les secrets des budgets maliens, les montages internationaux, les urgences de trésorerie. En juin 2021, en pleine tourmente financière — appuis budgétaires suspendus, sanctions internationales, besoin de recettes fraîches — le gouvernement malien fait un choix tranché : nommer un technicien au charisme discret, mais au CV béton.
La suite est connue. En un an, il triple les bénéfices de la société. En trois ans, il la fait entrer dans le cercle très fermé des quatre plus grandes contributrices au budget national. Et pourtant, dans les couloirs, aucun slogan tapageur, aucun bruit de bottes. Juste une méthode : contrôle, organisation, discipline… et un sens aigu de la responsabilité sociale.
Du pari au levier de développement
Sous son autorité, le PMU-Mali devient une cash-machine à double détente. D’un côté, le Trésor engrange : plus de 21 milliards FCFA de bénéfices en 2024, après un pic à 22,6 milliards en 2023. De l’autre, les parieurs se frottent les mains : plus de 61 milliards distribués en un an, des milliers de millionnaires créés, des gains records affichés à chaque bulletin.
Mais Doumbia ne se contente pas de chiffres. Il pense durabilité. La Fondation PMU-Mali, désormais en gestation, structurera les actions sociales de l’entreprise. La Cité PMU-Mali, un ambitieux programme immobilier à Samanko, répondra au rêve malien de propriété. Et le futur siège flambant neuf, en projet au Champ hippique, symbolise cette volonté de bâtir sur le long terme.
L’homme, ses choix, ses colères
Fassery Doumbia n’est pas un homme facile. Ses proches le disent : « il veut tout voir, tout valider, tout comprendre. » Certains syndicats lui reprochent une gestion jugée « verticale », un excès de rigueur dans la répartition des fonds sociaux, une structuration du management parfois perçue comme exclusive. Il assume. « La performance ne se décrète pas, elle se construit », répète-t-il lors des conseils d’administration. Et les chiffres lui donnent raison.
En 2022, il est fait Chevalier de l’Ordre national. Il est élu vice-président de l’Association des Loteries d’Afrique en 2024, il . En moins de quatre ans, il aura donc fait du PMU-Mali un acteur continental, modernisé ses pratiques grâce à une plateforme numérique de régulation des jeux, et imposé une traçabilité financière inédite dans le secteur.
Un portrait en mouvement
L’homme que l’on croise dans les allées feutrées du PMU-Mali cultive la discrétion. Costumes sobres, voix posée, présence maîtrisée. Mais derrière le calme apparent, se devine une volonté froide, celle de faire bouger les lignes sans tambour ni trompette. Ni populiste, ni technocrate pur sucre, Fassery Doumbia appartient à cette catégorie rare de dirigeants maliens qui préfèrent les résultats aux discours.
Et alors que le pays cherche à renforcer ses ressources propres, son parcours pourrait bien servir de modèle. Pour lui, diriger une entreprise publique, ce n’est pas la gérer comme une start-up, c’est lui assigner une mission d’État. La rentabilité, oui. Mais avec équité, avec ambition, avec méthode.
Cheickna Coulibaly
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