Cet article est publié dans le cadre du Forum international de la météo et du climat, qui se tiendra en ligne du 1 au 4 mai 2021 et dont The Conversation est partenaire. Retrouvez toutes les infos pratiques pour prendre part à ce rendez-vous sur le site du Forum : forumeteoclimat.com.
Le réchauffement climatique global va changer l’intensité et la fréquence des extrêmes météorologiques et climatiques, alerte depuis plusieurs années le GIEC. Il agira sur la récurrence d’événements d’intensité moyenne, la date d’apparition de certains aléas – des vagues de chaleur hors de la saison d’été, par exemple – ou leur localisation.
La hausse des températures, l’évolution des précipitations, l’élévation du niveau de la mer, affecteront la santé humaine et celle des écosystèmes.
Ces perturbations modifieront les conditions de vie des populations exposées et menaceront les activités qui dépendent des températures et des précipitations, des ressources en eau, de la biodiversité, des sols.
Les effets du changement climatique concerneront aussi bien les populations, que les filières productives, les systèmes financiers, le commerce, les mobilités, etc.
Les études montrent toutefois que l’augmentation de la sinistralité à horizon 2050 résultera de la combinaison de la variabilité naturelle du climat, du changement climatique global et des dynamiques sociodémographiques propres à chaque territoire.
Le rôle des sociétés est donc déterminant. Leur résilience dépendra notamment des réponses mises en œuvre au sein des territoires. Elles se trouvent aussi bien dans l’atténuation, essentielle, que l’adaptation, terme du langage courant repris d’abord en biologie pour parler d’évolution, puis en sciences sociales pour rendre compte des interactions complexes entre nature et sociétés humaines.
Le climat de la France change déjà très rapidement
Le changement climatique est déjà là. Au cours du XXe siècle, la température moyenne a augmenté en France de 0,1 °C par décennie, avec une accélération récente menant à un écart de 1,8 °C au-dessus de l’ère préindustrielle.
Les vagues de chaleur sont plus fréquentes, la durée d’enneigement diminue. Aucun été depuis 2015 ne s’est déroulé sans une vague de chaleur extrême. Des cyclones d’intensité extrême, comme Irma, apparaissent. L’évolution des précipitations est plus contrastée, avec une augmentation sur les deux tiers de l’Hexagone et une saisonnalité plus accusée. S’il n’y a pas d’augmentation de la fréquence des tempêtes, les pluies extrêmes sont plus intenses et plus fréquentes dans le Sud-Est.
Les progrès scientifiques permettent désormais d’attribuer des événements spécifiques au changement climatique, c’est-à-dire d’évaluer combien de fois un événement particulier est plus probable à cause des activités humaines.
Le lien de causalité est démontré pour les événements liés à la chaleur, les pluies extrêmes, et des études sont en cours pour les autres phénomènes. Il est donc nécessaire d’améliorer dès à présent les dispositifs d’alerte, de gestion de crise, d’indemnisation, et de prendre en compte le changement climatique dans les politiques publiques, car les risques associés ont augmenté.
Au cœur des politiques climatiques, atténuation et adaptation
Mais il faut aller plus loin. L’action climatique s’inscrit dans la logique de prévention des catastrophes : la résilience repose sur la capacité à contrôler les chocs et stress en amont et à se préparer à des crises qu’on sait inéluctables.
Pour cela, il est à la fois possible d’agir sur les causes et sur les effets des risques climatiques.
Ces derniers résultent de la combinaison de trois composantes : l’aléa climatique et ses dérivés, soit l’ensemble des perturbations provoquées par le réchauffement global ; l’exposition directe ou indirecte des socioécosystèmes ; la vulnérabilité, c’est-à-dire le niveau de sensibilité de ces systèmes et de leur composante aux différents aléas.
Les politiques climatiques doivent donc avoir pour objectif d’atténuer l’aléa – le réchauffement global – par la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’atteinte de la neutralité carbone, et de s’adapter par la réduction de l’exposition et de la vulnérabilité aux impacts.
L’adaptation, tout comme l’atténuation, repose sur une large gamme d’actions, qui vont de l’ajustement ponctuel ou graduel, qui ne modifie pas fondamentalement le système, à des transformations structurelles qui font bifurquer le système en s’attaquant aux causes profondes de la vulnérabilité et de l’exposition.
Des synergies entre atténuation et adaptation
Atténuation et adaptation sont complémentaires. Si pendant longtemps l’adaptation a été vue comme une solution palliative aux échecs de l’atténuation, ces deux volets de l’action climatique ne sont pas substituables, ne serait-ce que parce qu’il est déjà nécessaire de s’adapter aux changements actuels du climat.
Repousser les efforts d’atténuation augmente mécaniquement les efforts d’adaptation à engager, mais limite aussi les possibilités de cette adaptation. Le GIEC rappelle qu’il existe des seuils au-delà desquels il n’est plus possible de s’adapter, notamment pour les plus vulnérables.
Atténuation et adaptation appellent des réponses qui peuvent aller de pair. Les solutions fondées sur la nature conjuguent ainsi atténuation, adaptation et protection de la biodiversité. Mais l’adaptation peut aussi nuire à l’atténuation – climatiseurs ou du dessalement de l’eau de mer par exemple, à la biodiversité ou au bien-être. Enfin, des réponses nécessaires et efficaces à court terme peuvent être source de mal-adaptation ou de mal-atténuation à moyen et long terme (digues, retenues d’eau, etc.). Il faut alors opérer des choix.
Par conséquent, les trajectoires d’atténuation, et encore plus d’adaptation, ne sont pas données : elles doivent être publiquement et démocratiquement débattues, en fonction des connaissances disponibles, révisées en fonction des évaluations, des innovations sociales et techniques, de l’évolution des valeurs.
Pour une « adaptation juste »
Si le changement est global, tous ne sont pas exposés de la même manière, ni ne sont également vulnérables. Repousser les efforts d’atténuation revient à rejeter sur les acteurs locaux et les générations futures les coûts d’une adaptation subie. Ne pas anticiper l’adaptation fait peser sur les plus fragiles les conséquences de l’inaction.
Résilience et adaptation ont été fortement critiquées pour leur caractère conservateur et socialement régressif. La transition climatique doit être assortie d’une réflexion sur le juste partage des efforts entre atténuation et adaptation, entre les différentes parties prenantes, entre les territoires et entre les générations. Atténuation et adaptation ont le même objectif : assurer la résilience des sociétés et territoires face au changement climatique, en préservant la dignité des personnes, en ne dégradant pas leurs conditions de vie et en ne réduisant pas leur bien-être (voire en l’améliorant).
Il est urgent… d’accélérer
Alors que l’accord de Paris de 2015 fixait dans son article 7 un objectif d’adaptation, celle-ci est largement négligée. En France, le bilan est mince et le portage politique n’est pas à la hauteur des défis.
Si les deux Plans nationaux d’adaptation au changement climatique ont permis des progrès réels dans l’appropriation de l’adaptation par les décideurs publics, si l’adaptation commence à être intégrée localement, dans les documents de planification, d’urbanisme et d’aménagement, avec un engagement variable selon les territoires, il n’existe toujours pas de stratégie nationale d’adaptation, claquée sur le modèle de la Stratégie nationale bas carbone, révisable et évaluable, qui définisse des cibles, des indicateurs de pilotage et de suivi.
Le Haut conseil pour le climat (HCC) répète que la France, malgré une réduction de ses émissions (mais pas de son empreinte carbone), n’est pas sur la bonne trajectoire pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Il faut non seulement garder le cap, mais accélérer. En matière d’adaptation, le démarrage est timide. Il est urgent de passer à la vitesse supérieure.
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
Robert Vautard, climatologue et directeur de l’Institut Pierre Simon Laplace des sciences du climat, est coauteur de cet article.
Magali Reghezza-Zitt, Maître de conférences, habilitée à diriger des recherches en géographie, École normale supérieure (ENS) – PSL
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