Entre famines annoncées et riposte tardive, l’heure est à l’action collective pour sauver des millions de vies. Dans un éditorial incisif, nous explorons pourquoi l’avenir du Sahel passe par une mobilisation immédiate et durable.
En ce mois d’avril 2025, l’urgence alimentaire qui étreint le Sahel et le Mali en particulier ne relève plus de l’alerte mais du cri de détresse. Conjuguant les ravages silencieux du changement climatique et le fracas des conflits armés, la crise humanitaire se mue en gouffre, menaçant d’engloutir des millions de vies déjà suspendues à un fil.
Naissance de l’Agence AVASAN
Avec près de 1,5 million de Maliens frappés par l’insécurité alimentaire – dont 100 000 en situation d’urgence absolue –, la carte de la faim épouse celle des violences. À Mopti, à Gao, ou encore dans les confins fragiles du Liptako-Gourma, les champs abandonnés, les marchés déserts et les convois humanitaires sous escorte militaire traduisent une vérité brutale : l’accès même à la nourriture est devenu un champ de bataille.
À cette dynamique infernale, s’ajoute la furie du climat. Inondations diluviennes, sécheresses implacables. En 2024, plus de six millions de personnes ont vu leurs récoltes, leurs maisons, et souvent leurs espoirs, balayés par les eaux ou consumés par la sécheresse. À Bamako, l’état de catastrophe nationale déclaré n’a été qu’une pâle traduction administrative d’un désastre humain tangible.
Face à ce double assaut, les gouvernements sahéliens n’ont pas baissé les bras. À Bamako, la Facilité alimentaire malienne (FAM) tente de maintenir à flot les plus vulnérables par la vente de riz à prix social. L’Agence AVASAN, bras armé d’une veille nutritionnelle renforcée, est née pour anticiper et parer aux famines à venir. Des ripostes courageuses, mais insuffisantes à l’échelle du défi.
La grande famine, plus une menace, une réalité
Car le péril est régional. Et c’est à Dakar, lors du Forum Dakar+10, que l’appel au sursaut a été lancé : irrigation modernisée, souveraineté alimentaire affirmée, mutualisation des ressources… Mais encore faudra-t-il des moyens. Le Programme alimentaire mondial tire la sonnette d’alarme : sans un sursaut de financements – 620 millions de dollars manquent à l’appel –, les rations diminueront, l’aide s’amenuisera, et la spirale de la faim s’emballera.
Le Sahel, cette immense plaine de courage et de résilience, vacille aujourd’hui à un carrefour dramatique. Le statu quo n’est plus une option. Il faudra plus qu’une solidarité de façade : un partenariat renouvelé, une mobilisation massive, une action structurelle durable.
Car derrière les chiffres secs, ce sont des vies, des destins, et l’avenir même du Sahel qui se jouent. À moins d’une action rapide, résolue et concertée, la grande famine, que beaucoup redoutent sans oser la nommer, risque de ne plus être une menace, mais une réalité.
Chiencoro Diarra
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