À quoi cette guerre est-elle de nom ? Une rébellion, un conflit ethnique, un affrontement géopolitique ? Ou bien une sempiternelle tragédie congolaise, répétant inlassablement le cycle des guerres, des alliances troubles et des condamnations diplomatiques sans lendemain ?
La chute de Goma, le 28 janvier, sonne comme un énième acte d’un drame dont les spectateurs fatigués connaissent déjà l’issue. Les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, tiennent désormais les points stratégiques de la ville, tandis que la RDC, abandonnée à sa solitude diplomatique, multiplie les appels à l’aide. Le Conseil de sécurité de l’ONU condamne, l’Union africaine dénonce, mais personne ne bouge. Les mêmes communiqués creux, la même indignation de circonstance, le même silence assourdissant des grandes puissances qui, à défaut d’agir, préfèrent gérer leurs intérêts.
Félix Tshisekedi, lui, tente de garder la face. Après avoir présidé une réunion de crise, il a remplacé son gouverneur militaire du Nord-Kivu, sans que cela ne change quoi que ce soit au rapport de force. L’armée congolaise recule, mal équipée, désorganisée, face à une insurrection mieux préparée, mieux formée, et surtout, appuyée par un voisin dont le cynisme stratégique n’a d’égal que l’impunité dont il jouit. « Jusqu’à quand le Rwanda abusera-t-il de votre respect et de votre autorité ? », s’est indignée Thérèse Kayikwamba Wagner à l’ONU. La réponse est tristement évidente : aussi longtemps que personne n’aura la volonté de l’arrêter.
Mais ce conflit n’est-il que le miroir des antagonismes entre Africains ? N’est-il pas une honte pour toute l’Afrique de voir, au moment où certains dirigeants prônent le panafricanisme et réclament la souveraineté du continent, que des pays s’affrontent encore pour des intérêts mesquins ? Où sont passés les discours enflammés sur la fraternité africaine, sur la nécessité de briser les chaînes du néocolonialisme, quand ce sont des armées africaines qui se livrent à la destruction de leurs propres peuples ?
Pendant que les chancelleries tergiversent et que Kinshasa tempête, la population de Goma, elle, paie le prix du chaos. Pillages, exécutions, détentions arbitraires : le règne de la terreur s’installe, et avec lui, la perspective d’une nouvelle tragédie humanitaire. Déjà, plus de 4 000 détenus ont fui la prison de Goma, et les bases de la Monusco, sous-équipées, deviennent des forteresses assiégées. Les diplomates étrangers évacuent, les compagnies aériennes suspendent leurs vols, tandis que la colère gronde dans la rue.
Goma tombe, encore. Comme en 2012, comme hier, comme peut-être demain. L’Histoire bégaie, et personne, semble-t-il, n’a l’intention de l’arrêter.
Bakary Fomba
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