Alors que Bamako enchaîne les incendies sous une chaleur accablante, la grande canicule de 2025 révèle bien plus qu’un simple dérèglement climatique. Entre urbanisation anarchique, infrastructures précaires et absence d’anticipation, le feu devient le miroir d’un avenir que l’on refuse encore de penser. Et si ces flammes étaient, au fond, le signal faible d’une transformation à venir ?
Depuis quelques mois, Bamako suffoque. La ville brûle, littéralement, à intervalles réguliers. Marchés populaires, stations-service, quartiers entiers menacés. Entre janvier et avril 2025, les incendies se sont multipliés. Chaque fois, une même mécanique, un déni initial, une panique contenue, une déclaration officielle, une promesse d’enquête — et l’oubli. Jusqu’au prochain brasier.
L’avenir n’est pas un prolongement du passé, mais une rupture
On pourrait croire à un phénomène passager. Un été trop chaud, une série noire. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Ce que vit Bamako aujourd’hui, d’autres capitales africaines le connaîtront demain. Et ce que l’Afrique vit aujourd’hui, l’Europe — le monde — le subira bientôt. La chaleur extrême, les infrastructures vétustes, l’urbanisation sauvage, la précarité énergétique. Tous les ingrédients d’une catastrophe globale sont réunis. Ils s’additionnent. Ils s’accélèrent.
Il ne s’agit plus de penser les incendies comme des drames isolés. Il faut les comprendre comme les premiers signes d’une transformation profonde du rapport entre les hommes, leurs villes et leur environnement. Car si la chaleur tue, c’est d’abord par notre refus de penser l’avenir.
Nous savons pourtant ce qu’il faut faire. Urbaniser différemment. Repenser l’architecture des marchés et des stations-service. Décentraliser les réseaux d’eau et d’énergie. Numériser les systèmes d’alerte. Réinvestir dans les corps de secours. Planifier. Anticiper. Agir. Bref, gouverner avec la lucidité de ceux qui savent que l’avenir n’est pas un prolongement du passé, mais une rupture.
Plus qu’un été infernal
À chaque canicule, le feu nous rappelle que nous vivons dans une société du court terme, où l’on réagit toujours trop tard, faute d’avoir voulu imaginer assez tôt. Et pourtant, tout est là. La technologie existe. Les savoirs sont disponibles. Les moyens ne manquent pas autant qu’on le dit. C’est la volonté politique qui fait défaut. L’audace, surtout. Celle de préférer la prévention au commentaire, le long terme à l’urgence.
Les incendies de Bamako ne sont pas une fin en soi. Ils sont, comme souvent dans l’histoire, un signal faible. Un avertissement. Une injonction à bâtir autrement. À ne pas attendre que tout s’effondre pour enfin se décider à construire durablement.
L’Afrique — le Mali — a l’opportunité unique d’inventer une ville adaptée au climat du XXIe siècle. Pas une copie conforme des cités du Nord, mais un modèle propre, résilient, sobre, anticipateur. Cela suppose une révolution mentale. Et un immense effort collectif.
Ceux qui ne verront dans la grande canicule de 2025 qu’un épisode climatique auront tort. C’est bien plus qu’un été infernal, c’est une ligne de fracture. Entre le monde que l’on subit, et celui que l’on peut encore choisir.
Chiencoro Diarra
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