Dans ce septième épisode de notre série de billets fictifs, « Devoir de conscience », nous faisons voir le travail psychologique subit par le jeune Seydou, après son recrutement par les barbus. Il est également question des premières exactions du jeune adolescent contre sa patrie.
Rappelons que notre série de billets fictifs vise à faire découvrir la dure vie des orphelins, de façon générale, et des orphelins de guerre en particulier. Il s’agit donc d’une sensibilisation sur les droits des enfants, surtout en période de crise.
Une fois accepté dans le rang, Seydou reçoit des explications sur le fonctionnement du réseau. On n’intègre pas le clan des barbus et y sortir vivant. Tous les membres ayant plus de 14 ans doivent laisser pousser de longues barbes afin non seulement de se faire identifier facilement, mais aussi parce que c’est cela la voie de Dieu, croient-ils. La barbe distingue l’homme de la femme, déclarent les nouveaux mentors de Seydou.
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Le jeune garçon ainsi que tous les enfants enlevés dans son village reçoivent une tout autre forme d’éducation. Une éducation religieuse radicale. On leur apprend que le jihad est la voie du salut. Mourir en jihad, c’est entrer en paradis, puisque c’est la défense de la voie de Dieu. Un lavage de cerveau pour endurcir le cœur de ces enfants qui seront, pour la plupart, utilisés comme des Kamikazes qui tueront des milliers de personnes à travers le monde.
C’est dans ce camp d’ailleurs que le jeune adolescent Seydou découvre que ces barbus ont un réseau bien implanté. Seydou et ses camardes du village sont venus trouver d’autres groupes d’enfants dans ce camp. Certains sont arrivés par kidnapping, comme les camarades de Seydou ; d’autres, souvent plus âgés que Seydou, sont l’œuvre de proxénètes ayant promis un avenir plus radieux à des jeunes qui leur avaient fait confiance, mais qui n’ont eu d’autre sort que de devenir des ennemis de leur propre nation. D’autres encore ont rejoint le camp de ces hommes par désir de se venger de leur État qu’ils tiennent pour responsable de leurs difficultés à avoir du travail.
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À l’issue du premier exercice psychologique, Seydou et un autre de ses camarades d’âge, Binafou, se font distinguer par leur extrême intelligence et leur détermination. Ils ont vite assimilé les enseignements. La timidité de Seydou est également vue par ses nouveaux maîtres comme une qualité profondément guerrière.
Après un mois de formation psychologique ou plutôt de lavage de cerveau, Seydou et Binafou entament des exercices physiques, qu’ils feront pendant une partie de la journée. Ils rejoignent ainsi le stade supérieur de la formation. Ils ne serviront pas de Kamikazes, mais agrandiront le rang des barbus.
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À ce stade également, les deux amis rencontrent d’autres groupes d’adolescents. Ils sont tous formés au tir, au combat du corps à corps, à la pose de mines sur les routes, aux prises d’otage ainsi qu’à l’infiltration dans les rangs de l’ennemi.
Après seulement un jour de formation, le jeune Seydou se heurte à d’énormes difficultés jusqu’à ce qu’il tombe malade pendant toute une semaine. Une situation due au fait qu’il n’avait jamais subi des exercices physiques aussi intenses que celui-ci.
Juste après sa convalescence, le jeune orphelin reprend les exercices avec une assiduité extrême. Les formateurs barbus leur font connaître leurs désormais ennemis : l’école française, les intérêts du blanc, les autorités politiques.
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À cette explication, Binafou qui connaissait bien l’amour de Seydou pour l’école française jette un regard furtif sur celui-ci comme s’il craignait la réaction de ce dernier. Pourtant, il avait tout à fait raison de s’en douter. Seydou demande de suite : pourquoi doit-on nous en prendre à l’école du blanc ? C’est là que les enfants sont instruites ! À cette remarque, le formateur rétorque en lui faisant comprendre que l’école du blanc détourne les enfants du chemin de Dieu, qui est la voie du salut. Le formateur clôt cette explication par l’exposé du principe selon lequel dans leur clan, on exécute sans poser de questions. Seydou hausse la tête en signe d’approbation.
Le jeune adolescent venait de comprendre ainsi que dans les jours à venir, il serait dans l’obligation de s’en prendre aux grands lieux qui lui avaient émerveillé pendant toute son enfance. Il sera amené à priver d’autres enfants du droit qu’il a eu. Il imposera ainsi son sort à des milliers d’adolescents. En pensant ainsi, le remords le gagnait. Comment priver des millions d’enfants de mon pays du droit à l’éducation ? se demandait-il avec une immense rage dans le cœur. Pourquoi enlever des innocents ?
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Tout compte fait, il était déjà trop tard. Il ne pouvait accepter de lever le moindre soupçon sur son remords, s’il ne veut pas se faire tuer. D’ailleurs, depuis la mort de ses parents, il n’a bénéficié du soutien d’aucun membre de son entourage pour qu’il retourne à l’école. S’il en avait bénéficié, peut-être qu’il n’allait pas se retrouver dans ce camp. Pourquoi reculer, déjà que ses parents ont tous été tués. Qu’est-ce que la vie peut-elle lui réserver de meilleures que cette voie du jihad ? Les monologues de Seydou, pendant les heures de pause, duraient souvent des minutes chaque jour.
Les exercices ont alors continué pendant trois mois avec chaque jour, des formations guerrières avec des exercices de simulation d’attaque pendant la journée et des formations psychologiques le soir.
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Avant la fin de ces trois mois de formation, Seydou avait fini par devenir un djihadiste convaincu de toute la noblesse de sa mission. Il se combattait avec une telle fougue qu’on le surnomme « Scorpion 11 ». Chose tout aussi normale, puisqu’il était maintenant un grand consommateur de tabac, qui transite par leur réseau vers l’intérieur du pays ainsi que vers les pays voisins. Scorpion 11 était alors déterminé à périr sur cette voie du jihad.
La première mission de Scorpion 11, Binafou alias B15 et Y20, est de braquer un transport en commun et de dépouiller les passagers de tous leurs objets de valeur qui serviront de butins de guerre. Une première mission qui a été une réussite. La deuxième mission est d’attaquer des paysans dans leur champ afin de les empêcher de cultiver et les exposer à la famine. L’objectif étant de déstabiliser le pays et de gagner en confiance auprès des citoyens.
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Après ces deux succès, Scorpion 11 et son équipe sont envoyés dans une mission plus compliquée, puisqu’ils venaient de gagner la confiance de leurs chefs. Cette fois-ci, il s’agit d’un hôtel luxueux, qui sert de résidence à plusieurs touristes occidentaux, qui recevra leur visite. Les trois « dieux de la guerre » se préparent pour mener l’assaut. Objectif : réussir la mission en tuant des centaines de personnes, emportant de l’argent tout en emmenant au moins un otage important.
À suivre !
Fousseni Togola
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