Alors que la croissance ouest-africaine marque un léger recul, la CEDEAO fait face à un contexte géopolitique inédit. Entre rupture sahélienne, tensions douanières et fragilités macroéconomiques, le projet d’intégration régionale vacille. La BIDC, elle, tente de maintenir le cap.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se trouve à nouveau confrontée à ses lignes de fracture. Alors que la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC) prévoit une croissance régionale de 5,0 % en 2025 – en léger recul par rapport aux 5,1 % enregistrés en 2024 – les fissures politiques et les tensions commerciales continuent de peser lourdement sur les ambitions d’intégration régionale.
Ce ralentissement, apparemment marginal, masque en réalité une série de chocs exogènes et endogènes. « Nous pensons que la sous-région aurait pu réaliser de meilleures performances », reconnaît Joseph Asenso, responsable de la recherche macroéconomique à la BIDC. En cause : l’intensification des barrières commerciales, conséquence directe de la guerre tarifaire entre les États-Unis et leurs partenaires, mais surtout, le départ fracassant du Burkina Faso, du Mali et du Niger.
La rupture sahélienne complique la donne
Ces trois États, dirigés par des régimes militaires depuis 2020, ont formé en 2023 l’Alliance des États du Sahel (AES), actant leur retrait de la CEDEAO et imposant de nouvelles taxes sur les produits en provenance de l’espace communautaire. Une décision à fort impact économique. Selon la BIDC, si la CEDEAO répliquait conformément à ses règles de réciprocité, le commerce intrarégional déjà affaibli risquerait une contraction brutale.
Ce climat de tension s’accompagne d’une pression accrue sur les envois de fonds, notamment depuis les États-Unis, où les hausses de taxes sur les transferts pourraient réduire sensiblement les flux vers l’Afrique de l’Ouest. Un coup dur pour plusieurs économies fortement dépendantes de la diaspora.
Des vulnérabilités structurelles persistantes
À ces incertitudes politiques s’ajoute une réalité macroéconomique contraignante : dette publique en hausse (60,1 % du PIB), inflation persistante (24,1 % en moyenne), devises volatiles, et un coût de financement en nette augmentation. Pour les États membres comme pour les entreprises, accéder au crédit reste un défi majeur.
Face à ce contexte, la BIDC poursuit son rôle de catalyseur. En 2024, l’institution a évalué 21 projets pour un montant de plus de 933 millions de dollars et approuvé pour plus de 645 millions de dollars d’investissements. Les secteurs de l’énergie, des infrastructures, de l’industrie et du développement rural restent prioritaires.
Une intégration au ralenti
Malgré ces efforts, la dynamique d’intégration sous-régionale marque le pas. La crise sahélienne, combinée à un environnement commercial instable et à une dépendance persistante aux capitaux extérieurs, met en lumière les fragilités de la construction communautaire.
Alors que certains rêvent encore d’une monnaie unique et d’un marché commun robuste, la réalité géopolitique impose une pause. Reste à savoir si la CEDEAO saura transformer ces défis en opportunités ou si elle devra, une fois de plus, revoir ses ambitions à la baisse.
Chiencoro Diarra
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