Il était avril. Le soleil brillait de tout son éclat sur l’Indifférence. Les chiens haletants se cherchent des refuges humides. Les oiseaux de la basse-cour font de même. Même les margouillats ne sont pas épargnés par la canicule de ce mois. Sous l’effroi de la chaleur, les enfants ne cessent de pleurnicher. Pourtant, cette période coïncide avec le mois de ramadan dans la communauté musulmane. Tout le monde est alors devenu aquatique. Toutefois, le coronavirus poursuit son ravage.
Bina, le tonton sceptique d’Amina, est malade depuis une vingtaine de jours. Des maux de tête douloureux accompagnés d’une forte fièvre, du rhume accompagné de la toux, etc. Malgré les conseils formulés par les autorités politiques à travers les médias au sujet du jeûne et de la maladie, Bina boudent ses oreilles.
Lire aussi Covid-19 : Tina, la travailleuse de nuit, cherche la queue du diable
La santé de ce jeune commerçant commençait à inquiéter toute la famille alors qu’il était lui-même récalcitrant à l’idée de se faire consulter par un médecin. Amina, qui est connue pour son franc-parler, vient auprès de son tonton malade. Comme toujours, il ne manque jamais de respecter les gestes-barrières pour se protéger contre le Coronavirus. Il observe la distance d’un mètre avec Bina qui était étendue sous le grand manguier au milieu de la cour.
- Bonjour tonton. Comment va ton état de santé ? lui demande-t-elle.
- Ma fille, je me porte bien aujourd’hui. Juste que c’est le jeûne qui me fatigue beaucoup.
- Toi aussi tonton. Tu es malade, il ne fallait pas jeûner. Bon, il est déjà 15 h. Donc, c’est bientôt la rupture. Je te souhaite prompt rétablissement.
Elle souhaite cela et reste longtemps silencieuse auprès de son tonton. Elle donne l’air d’être préoccupée par un problème. Veut-elle confier un secret à Bina ou doute-t-elle d’une maladie à son sujet ?
Lire aussi À cause du Covid-19, Bina n’exercera plus le commerce
Bina finit par lui enlever l’épine du pied en lui demandant ce qui le mettait dans cet état. Un ouf de soulagement la regagne. À cette question, elle eut un grand soupir comme si on venait de lui enlever un fardeau. Cela se succède par un questionnement.
- Non, rien tonton. C’est juste que je me fais des idées au sujet de ta maladie.
- Et, à quoi penses-tu au sujet de ma maladie ?
- Je souhaite que ce ne soit pas ce à quoi je pense. Mais réfléchissant sur les symptômes de cette maladie, je me dis que c’est les mêmes que le co-co-corona, coronavirus.
Elle prononce ainsi le nom de la maladie avec la peur au ventre. Ce qui donne l’impression comme si elle ignore comment prononcer correctement le mot. Mais la référence à ce nom à fait sursauter Bina de son matelas.
Lire aussi Amina, la petite fille qui sensibilise sur le covid-19
- Veux-tu dire que je suis atteint par ce foutu de maladie des blancs ou de toi et ton père ? Vous n’allez pas me tuer. Je n’ai rien. Tout le monde sait que le rhume s’accompagne toujours des maux de tête ainsi que de la fièvre, voire de la toux. Je suis juste enrhumé. D’ailleurs, je ne veux plus te voir auprès de moi. Hors de ma vue !
Malgré qu’elle ait chassé Amina, celle-ci essaie toujours de le convaincre d’aller se faire consulter.
- Mais tonton, ne prends pas en mal mes propos. En matière de santé, il est toujours bon d’aller consulter un médecin quand on se sent mal. Surtout avec ce Coronavirus, une maladie hautement contagieuse. Je m’en vais. Toutefois, si je t’ai causé le moindre tort, je te prie de m’excuser.
Bina ne dit plus un mot. Il a déjà rejoint son matelas et faisait dos à sa fille. Celle-ci quitte Bina avec des idées derrière la tête. Elle entre dans la chambre de sa mère, prend le téléphone fixe et compose le 36061, le numéro vert des services de la santé. Ceux-ci décrochent.
Lire ausssi Coronavirus : la petite Amina discute avec son père
- Allo, allo, allo, c’est le service de la santé ? demande-t-elle avec précipitation.
- Oui, vous êtes au bon numéro ma fille. Qu’est-ce qui ne va pas ? lui demande Dr Zoro.
- C’est mon tonton, c’est mon tonton. Depuis près de vingt jours, il tousse gravement, il a une forte fièvre accompagnée de maux de tête, des écoulements nasaux. Aujourd’hui, son état de santé se complique parce qu’il a des problèmes de respiration. On lui a demandé de se faire consulter à l’hôpital, mais il refuse.
- Ma fille, comment t’appelles-tu ?
- Amina.
- Tu habites quel quartier ?
- Touloni, rue 201, porte 303.
- D’accord, c’est bien noter. Tu fais tout pour que ton tonton ne sorte pas de la maison et que personne ne lui approche à moins d’un mètre. Une ambulance va arriver tout de suite.
- Ok, docteur. Mais il ne doit pas savoir que c’est moi qui vous ai appelé.
- Il ne le saura pas.
Après l’appel, Amina prend place dans une chaise à l’entrée du salon de sa mère pour ne pas perdre de vue Bina. Trente minutes après, l’ambulance vient s’arrêter devant la porte. Amina court s’assurer si c’est bien les agents de la santé qu’elle vient d’appeler.
- C’est Amina, lui demande un agent.
- Oui, c’est moi. Qu’est-ce qu’il y a ? demande-t-elle innocemment pour ne pas lever des soupçons sur elle.
- Bina est là ?
- Il est couché sous le manguier.
Les agents marchent jusqu’à Bina et lui demandent de les suivre. Quand Bina essaie de résister. Ils lui expliquent qu’il est un suspect de Coronavirus. Il doit se faire tester pour confirmer ou infirmer les symptômes.
Les agents amènent Bina. Le lendemain, le résultat est révélé positif. Toute la famille ainsi que ses personnes contact sont invitées à se faire tester. Toute la famille se présente. Mais les résultats ont été négatifs.
Les médecins félicitent Amina et lui demandent si elle connaît des personnes qui ont été proches de son tonton ces quatorze derniers jours. Elle répond oui et donne les noms parmi lesquels figure Tina, la travailleuse de nuit, que Bina a d’ailleurs partagée avec certains de ses amis il y a juste une semaine.
Les médecins ont noté le nom de toutes ces personnes ainsi que leur adresse. Mais le nom d’une travailleuse de nuit parmi les personnes contact de Bina rendait la tâche assez compliquée pour les enquêteurs.
À suivre !
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.