Accueil » Blog » Actu » COP30 : la planète en apnée, Belém ou le dernier souffle du multilatéralisme climatique

COP30 : la planète en apnée, Belém ou le dernier souffle du multilatéralisme climatique

0 comments 39 views 4 minutes read

Par un parfum de fin du monde, c’est une nouvelle géographie du pouvoir climatique qui s’est dessinée au cœur de l’Amazonie. Entre ambitions contrariées, promesses de milliards et réalités politiques, la COP30 aura révélé plus de fractures que d’accords. Mais aussi, peut-être, une conscience nouvelle : celle d’une planète à bout de souffle qui ne croit plus aux incantations diplomatiques.

Belém, capitale spirituelle de l’Amazonie, a eu l’allure d’un amphithéâtre planétaire où s’est joué le destin écologique du monde. Près de 200 délégations, 30 000 participants, des chefs d’État clairsemés — mais un enjeu colossal : sauver la trajectoire de 1,5°C promise à Paris en 2015.
Pour Luiz Inácio Lula da Silva, hôte du sommet, l’enjeu était aussi politique : redonner au Brésil son statut de leader du Sud global, en misant sur le poumon vert du monde. Mais derrière les discours, les chiffres trahissent une urgence dramatique : les émissions mondiales continuent d’augmenter, les océans se réchauffent, et les forêts, même sacrées, brûlent.

Fossiles, forêts et fractures

La conférence de Belém s’est vite heurtée à ses contradictions. On y a parlé de transition énergétique… sans s’accorder sur la sortie des énergies fossiles. Le texte final, qualifié par certains d’« accord de la dérobade », évoque une « réduction volontaire » du charbon, du pétrole et du gaz. Volontaire, donc non contraignante — une formule qui résume le compromis mou d’une diplomatie fatiguée.
Les grandes puissances, Chine, Inde, Arabie saoudite et Russie en tête, ont refusé toute obligation chiffrée. L’Europe a plaidé, sans convaincre. Et les États-Unis, absents de la tribune, ont symbolisé le désengagement d’un pays dont l’influence climatique s’érode à mesure que la campagne présidentielle bat son plein.

L’argent du climat, entre promesses et illusions

Sur le terrain du financement, un frisson d’espoir : les pays riches se sont engagés à tripler les fonds d’adaptation, soit 120 milliards de dollars d’ici 2035. Mais à Belém, les ONG ont haussé les épaules. « Trop peu, trop tard », disent-elles. Car les besoins réels dépassent les 400 milliards annuels, et les mécanismes de transfert restent flous.
La feuille de route « Bakou–Belém », censée assurer la continuité entre la COP29 et cette édition amazonienne, promet de canaliser les investissements vers les pays les plus vulnérables. Mais pour beaucoup de délégations africaines, cette promesse ressemble à celles déjà prononcées à Glasgow ou à Charm el-Cheikh : grandiloquente et sans lendemain.

L’Amazonie, cœur battant d’une planète menacée

Au-delà des chiffres et des querelles de vocabulaire, la COP30 a offert une tribune à ceux que l’on entend rarement : les peuples autochtones. Trois mille représentants ont pris la parole pour rappeler que la forêt n’est pas un décor, mais une entité vivante.
Le lancement du fonds Tropical Forests Forever, doté de 25 milliards de dollars et visant à mobiliser 100 milliards supplémentaires, se veut la réponse symbolique à des décennies de déforestation. Mais même ici, les limites sont évidentes : les contributions restent conditionnelles, et les États amazoniens divergent sur le partage des responsabilités.

Le Sud global en première ligne

Sous la canopée, c’est une autre bataille qui s’est jouée : celle du leadership climatique. L’Europe, affaiblie par ses divisions internes, et la France, éclipsée depuis son retrait du Sahel, peinent à incarner une voix crédible du multilatéralisme vert.
Le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Indonésie se posent désormais en porte-voix du Sud global — celui qui subit les dérèglements sans les avoir causés. Mais leurs ambitions nationales, parfois teintées de realpolitik, limitent l’émergence d’un front commun.

Un sommet de transition ou un sommet de plus ?

Au terme des deux semaines de débats, la COP30 n’a pas bouleversé le cours de l’histoire climatique. Elle a simplement confirmé que la diplomatie environnementale avance à la vitesse d’une barque sur l’Amazone : lente, incertaine, dépendante des courants.
Belém aura pourtant marqué une rupture esthétique et symbolique. Tenir la COP au cœur de la forêt, c’était rappeler que la solution n’est pas dans les capitales, mais là où la nature survit encore.
Reste à savoir si, dans ce théâtre vert et humide, les grandes puissances ont entendu le message : le temps des promesses est fini, celui de la responsabilité commence.

Chiencoro Diarra 


En savoir plus sur Sahel Tribune

Subscribe to get the latest posts sent to your email.

Veuillez laisser un petit commentaire pour nous encourager dans notre dynamique !