Alors que la filière coton traverse une nouvelle zone de turbulences, Bamako mise sur Kouloumégué Dembélé, enseignant-chercheur réputé pour sa rigueur, pour redonner souffle et crédibilité à la CMDT. Une nomination stratégique qui confirme la volonté des autorités maliennes de replacer l’expertise et la performance au cœur de l’économie nationale.
Dans le Mali en refondation, il y a les ministres qu’on remplace, les gouverneurs qu’on déplace… et les technocrates qu’on installe discrètement, avec la conviction qu’ils feront le travail. Kouloumégué Dembélé appartient à cette dernière catégorie. Ce 16 mai, par un décret signé dans le silence feutré des salons de Koulouba, cet universitaire respecté a été nommé administrateur de la CMDT, la très stratégique Compagnie Malienne de Développement des Textiles.
Intrants retardés, cotonculteurs impayés
Le coton, on le sait, c’est bien plus qu’une fibre pour le Mali. C’est l’« or blanc » de tout un peuple, une fierté nationale, une manne économique. Un secteur qui, ces dernières années, a vu défiler plus de crises que de récoltes records. C’est à cela que Dembele est appelé : réparer, rassembler, redonner confiance.
Avant lui, deux hommes se sont succédé dans ce fauteuil toujours trop large pour ceux qui s’y sont essayés. Il y eut d’abord Nango Dembélé, que les mauvaises langues disaient meilleur à manier les discours que les bilans. Son mandat, traversé de tensions internes et de ratés économiques, a laissé un goût d’inachevé. Bousculé par les partenaires, lâché par les producteurs, il fut débarqué sans ménagement en 2024, dans la foulée d’un grand coup de balai à la tête de la CMDT. Un premier signal de Bamako : le coton mérite mieux.
Puis vint Mamadou Moustapha Diarra, universitaire lui aussi, passé par la maison CMDT en des temps plus calmes. Diarra tenta l’impossible : fusionner les filiales, mettre fin à une privatisation sans vision, replacer l’État au centre du jeu. Le 5 août 2024, il arrivait avec des mots d’ordre : transparence, dialogue, proximité. Il parcourut les champs de Koutiala, serra des mains, rassura les sceptiques. Mais entre les intentions et la réalité, le chemin s’est vite obscurci. Intrants retardés, cotonculteurs impayés… et voilà que, moins d’un an plus tard, il quitte la scène sans explication officielle. Le Mali est ainsi : on entre par décret, on sort par les couloirs.
Levier stratégique de la relance économique nationale
Kouloumégué Dembélé, lui, arrive au bon moment, dit-on dans l’entourage du chef de l’État. Chercheur respecté, spécialiste des systèmes agricoles, il a la méthode et la rigueur. Son profil tranche avec les jeux d’appareils, et c’est sans doute ce qui a séduit Assimi Goïta, décidé à faire de la CMDT un levier stratégique de la relance économique nationale.
Car l’heure est grave, mais l’espoir est permis. Le coton malien peut redevenir une locomotive, à condition que les producteurs soient mieux accompagnés, que les usines tournent, que les partenaires soient rassurés. La CMDT, sous Dembélé, doit se réinventer, transformer l’or blanc en valeur ajoutée, ici même, au Mali.
Le décret présidentiel, signé aussi par le Premier ministre Abdoulaye Maïga et les ministres de l’Agriculture et des Finances, donne au nouvel homme fort du coton une légitimité sans faille. Le reste dépendra de sa capacité à convaincre… et à durer.
À Bamako, on murmure que cette fois, le choix est le bon. Le régime joue gros, mais le pari semble maîtrisé. Car si le Mali a besoin de sécurité, il a aussi besoin de produire, de transformer, d’exporter. Et qui mieux qu’un homme de science, loin des intrigues et proche des réalités du terrain, pour mener cette bataille ?
La CMDT, ce colosse agricole, attend son relèvement. Le peuple aussi. Le décor est planté, les regards sont braqués. La balle est désormais dans le camp de Kouloumégué Dembélé.
Chiencoro Diarra
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