Dans un contexte politique guinéen marqué par les tensions post-transition, l’ancien président Alpha Condé accuse les autorités en place d’utiliser la désinformation pour affaiblir son camp. À travers un discours offensif, il dénonce une stratégie de manipulation destinée à diviser l’opposition. Un phénomène qui, au-delà du cas guinéen, illustre les dérives informationnelles de plus en plus fréquentes dans les démocraties fragiles du Sahel.
À Conakry, les tensions politiques semblent franchir un nouveau cap. Dans un communiqué rendu public le 7 avril 2025, l’ancien président Alpha Condé accuse le Conseil National du Rassemblement pour la Démocratie (CNRD), au pouvoir depuis le coup d’État de septembre 2021, de mettre en œuvre une stratégie de « manipulation et de désinformation » destinée à affaiblir son parti et à diviser l’opposition.
Chaque divergence est perçue comme une trahison
« Leur objectif est clair : nous diviser, semer la discorde et saper notre détermination », dénonce l’ex-chef de l’État, dans un texte au ton résolument combatif. Derrière cette rhétorique, se dessine une réalité de plus en plus perceptible sur la scène politique guinéenne, et plus largement dans plusieurs États d’Afrique de l’Ouest : l’usage de la désinformation comme levier d’influence, voire comme instrument de gouvernance.
Les accusations de l’ancien président, bien que partisanes, s’inscrivent dans un contexte régional où les rumeurs, les campagnes de diffamation en ligne, et les pressions sur les militants politiques deviennent des pratiques récurrentes. À mesure que les débats démocratiques peinent à se structurer dans les transitions en cours, les réseaux sociaux offrent un terrain fertile pour des récits alternatifs – souvent mensongers – qui fragilisent les partis, brouillent les lignes idéologiques et alimentent les tensions internes.
La vérité est aujourd’hui déterminée par celui qui parle le plus fort, ou qui dispose des meilleures ressources numériques. Le cas guinéen n’est pas isolé. Ce que l’on voit, c’est la montée en puissance d’une politique du soupçon, où chaque divergence est perçue comme une trahison, et chaque désaccord comme une menace.
La reconstruction de liens de confiance entre gouvernants et gouvernés
Dans ce contexte, Alpha Condé appelle à la vigilance et à l’unité de ses partisans. Il exhorte son mouvement à « refuser les polémiques stériles » et à rester « solidaire face aux attaques ». Une ligne de défense qui s’apparente à une tentative de remobilisation, alors que son camp peine à se réorganiser depuis sa chute.
Plus largement, l’ancien président met en garde contre les effets à long terme de la désinformation : « De fausses nouvelles circulent, des comptes anonymes sèment la division, des pressions ciblent nos militants. Nous devons rester prudents. »
Ces accusations, s’il est difficile de les vérifier de manière indépendante, renvoient à un phénomène désormais central dans la vie politique contemporaine : l’essor de ce que certains chercheurs qualifient de « guerre informationnelle douce », où l’objectif n’est plus de convaincre, mais de semer le doute. Un climat qui rend d’autant plus difficile la reconstruction de liens de confiance entre gouvernants et gouvernés.
Pour de nombreux observateurs, la situation guinéenne reflète une crise plus large de l’espace démocratique dans les pays sahéliens, confrontés à la fois à des défis sécuritaires, économiques, et à une instabilité institutionnelle croissante. Et dans ce paysage, la bataille pour la vérité devient, elle aussi, un enjeu politique de premier plan.
F. Togola
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