Après une année 2024 marquée par une vague de chaleur meurtrière au Mali, entraînant plusieurs dizaines de décès en quatre jours à l’hôpital Gabriel Touré de Bamako, majoritairement des personnes âgées, les températures ont connu une baisse sensible en 2025. Une accalmie bienvenue, notamment pour les personnes âgées qui avaient payé un lourd tribut à la canicule de l’année précédente.
En avril 2025, les températures maximales au Mali ont oscillé entre 38 °C et 42 °C, avec des pics atteignant 45 °C dans certaines régions comme Kayes, Mopti, Tombouctou, Ménaka, Nara et Gao. Bien que ces températures restent élevées, elles sont inférieures aux records de 2024, où Kayes avait enregistré 48,5 °C, un record continental. Cette baisse relative des températures a été attribuée à un front d’humidité inhabituel qui a adouci les conditions climatiques entre mars et avril.
Témoignages de soulagement
Dans une cour ombragée de Sebenicoro, un quartier de Bamako, Assoura Mahamane, un homme dans la soixantaine, savoure l’air doux d’un matin d’avril. Il se rappelle avec émotion la chaleur suffocante d’avril 2024. « À cette même période, on avait l’impression d’être dans un four. On transpirait même sans bouger. Mais cette année, je sens que la température a vraiment baissé. C’est toujours chaud, bien sûr, mais plus vivable », confie-t-il, un éventail à la main.
Même constat chez Mariam Diallo, mère de trois enfants et principale aidante de sa grand-mère de 90 ans. Elle se souvient des difficultés qu’elle a rencontrées pour prendre soin de l’aïeule malade l’année précédente. « En 2024, c’était un cauchemar. Ma grand-mère ne supportait plus la chaleur. Elle avait du mal à respirer et on avait peur qu’elle ne tienne pas. Cette année, alhamdoulillah, elle supporte bien le climat, elle dort mieux, mange mieux, et surtout, elle n’a pas eu de malaises », raconte-t-elle soulagée.
Moustapha Traoré, un agent de santé communautaire à Ségou, observe, lui aussi une amélioration significative. « Il faut toujours rester prudent avec la chaleur. Mais, cette année, on voit bien qu’elle est moins intense. L’année passée, on avait enregistré plusieurs cas de coup de chaleur chez les personnes âgées. Cette année, on reste en alerte, mais il y a clairement une amélioration », affirme-t-il.
Retour sur une année noire
En 2024, plus d’une centaine de décès avaient été recensés en seulement quatre jours au CHU Gabriel Touré de Bamako, selon les rapports médicaux. La majorité des victimes étaient des personnes de plus de 60 ans, souvent fragiles et atteintes de maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension. Cette situation avait mis en lumière le manque d’infrastructures adaptées pour faire face à des épisodes climatiques extrêmes.
Le docteur Dramane Arby, médecin généraliste à la clinique Wassa à Bacodjicoroni Golf, insiste sur la nécessité de rester vigilant, même si les températures sont cette année plus clémentes. « Ce n’est pas parce que les températures ont baissé qu’il faut baisser la garde. Les personnes âgées doivent être protégées, surveillées et maintenues dans un environnement frais. Ce sont les plus vulnérables face aux pics de chaleur. Une bonne hydratation, des lieux bien aérés, et surtout éviter toute exposition prolongée au soleil sont les clés pour leur survie », explique-t-il.
Un répit… mais jusqu’à quand ?
Si la baisse des températures en 2025 est accueillie avec soulagement, les spécialistes du climat mettent en garde contre une fausse impression de sécurité. Le changement climatique rend les saisons de plus en plus imprévisibles. Selon une étude du réseau World Weather Attribution, la vague de chaleur extrême de 2024 n’aurait pas été possible sans le changement climatique d’origine humaine.
Le docteur Arby abonde dans ce sens, indiquant que « Nous avons peut-être eu de la chance cette année. Mais le réchauffement global continue. Il faut donc renforcer les capacités d’adaptation des populations, notamment les plus fragiles. Des campagnes de sensibilisation, la formation des aidants, et l’équipement des centres de santé en moyens de lutte contre la chaleur doivent être prioritaires. »
Les enseignements de la résilience
Face aux difficultés de 2024, de nombreuses familles ont tiré des leçons. À Lafiabougou, par exemple, un groupe de femmes du quartier a lancé une initiative de solidarité pour aider les personnes âgées isolées. Elles leur apportent de l’eau fraîche, des fruits hydratants, et les assistent dans leurs démarches de santé. Une initiative qui a été reconduite cette année, même si la canicule est moins sévère. « C’est une habitude que nous avons prise et que nous allons continuer. Nos mamans et nos papas âgés ont besoin de nous. Ils ont traversé des épreuves, et c’est notre devoir de les protéger », témoigne Aminata Koné, responsable du groupe.
L’année 2025 semble marquer une accalmie climatique bienfaitrice pour les personnes âgées au Mali. Toutefois, cette amélioration ne doit pas masquer les défis structurels que posent les épisodes de chaleur extrême. À travers des témoignages poignants et les appels à la vigilance des professionnels de santé, ce répit est perçu comme une opportunité pour renforcer les dispositifs de prévention et d’adaptation. Car dans un pays où les aînés sont le pilier de la mémoire collective, leur protection face aux dérèglements climatiques doit rester une priorité nationale.
Ibrahim Kalifa Djitteye
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