Au Burkina Faso, la souveraineté ne se négocie plus. En réponse à des propos jugés « infondés » du général Michael Langley, patron de l’US AFRICOM, le gouvernement burkinabè déploie une contre-offensive diplomatique ciselée. Derrière ce choc transatlantique, des enjeux d’image, de ressources, et de respect d’un nouveau cap géopolitique assumé par Ouagadougou.
Le 3 avril 2025, lors d’une audition devant la prestigieuse Commission sénatoriale des forces armées à Washington, le général Michael Langley, commandant du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (US AFRICOM), a pointé du doigt la gestion des revenus miniers du Burkina Faso. Selon lui, ces ressources, ainsi que certains flux de coopération avec la Chine, profiteraient davantage au « régime en place » qu’à la population burkinabè.
Une affirmation lancée sans preuve, mais en terrain symbolique, dans le cœur du système législatif américain. Et c’est bien ce qui agace à Ouagadougou, où le ministère des Affaires étrangères a réagi sans détour, dans un communiqué du 15 avril 2025 : propos « regrettables », « graves inexactitudes », « posture politicienne ». L’outrage est pris au sérieux.
Une défense souverainiste assumée
Pour le gouvernement de transition dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, l’heure n’est plus à la retenue. Le communiqué officiel oppose un démenti ferme et revendique, preuves à l’appui, une gestion rigoureuse et transparente des recettes issues du secteur minier. Toutes, affirme-t-il, sont versées dans les caisses de l’État et intégrées au budget national.
Au-delà de la riposte, c’est une doctrine qui se dessine. Celle d’un Burkina Faso en rupture avec une diplomatie du soupçon et du paternalisme. L’argumentaire est clair : les réformes en cours dans les domaines stratégiques — agriculture, éducation, infrastructures, eau, santé — illustrent une volonté de redistribution équitable des ressources. À Washington comme à Ouagadougou, chacun regarde l’autre droit dans les yeux.
Un climat d’incompréhension croissante
Les mots sont choisis mais le message est sans ambiguïté. Le général Langley aurait dû « se cantonner à son champ de compétence », selon la diplomatie burkinabè, et éviter d’alimenter une lecture biaisée des évolutions en cours au Sahel. La transition burkinabè, quoi qu’on pense de sa trajectoire politique, entend se réapproprier son récit.
L’incompréhension entre partenaires d’hier se cristallise autour d’un malaise plus large : celui d’une Afrique qui, de plus en plus, dit non à l’ingérence et aux doubles standards. L’AES (Alliance des États du Sahel), dont le Burkina est l’un des piliers, s’inscrit dans cette logique de reconquête. Et les propos américains, tenus sans consultation ni nuance, apparaissent dès lors comme une intrusion malvenue.
Dans ce contexte, le ministère burkinabè des Affaires étrangères invite à « un dialogue franc et respectueux », loin des insinuations et des procès d’intention. Une manière de rappeler que si la critique est toujours possible, elle doit s’appuyer sur des faits — pas sur des réflexes de méfiance.
En filigrane, c’est une redéfinition des relations Nord-Sud qui se joue. Le Burkina Faso ne rejette pas la coopération, il en redéfinit les termes. Et sur ce nouveau terrain, la souveraineté n’est plus une revendication abstraite. Elle devient une ligne rouge.
Chiencoro Diarra
🧐 Cet article vous a-t-il été utile ?
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.