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Billet. Migrants refoulés : le syndrome de la porte fermée

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Expulsés sans ménagement, refoulés comme de simples indésirables, plus de 500 Maliens et des centaines de Sénégalais ont été renvoyés de Mauritanie ces derniers jours. Officiellement, il s’agit de lutter contre l’immigration irrégulière. Officieusement, c’est une autre histoire : tracasseries, rafles, et humiliations en cascade. Entre exigences sécuritaires et réalités humaines, l’Afrique de l’Ouest semble avoir du mal à accorder ses violons sur la libre circulation.

La scène est presque banale, tristement ordinaire. Un énième convoi de Maliens débarqués sans ménagement à Gogui, rejetés par la Mauritanie comme des indésirables. L’histoire, hélas, n’a rien d’inédit. Des centaines d’âmes en quête d’un avenir meilleur, renvoyées sans cérémonie, sur le simple fondement d’un papier manquant, d’un titre de séjour expiré.

L’essentiel est ailleurs

Et comme à chaque vague de refoulement, les mêmes discours, les mêmes justifications. « Chaque pays est souverain », répète-t-on à Nouakchott. « Nous n’avons fait qu’appliquer la loi », renchérissent les autorités mauritaniennes, soucieuses de rappeler que la migration clandestine est une menace pour l’ordre public et la sécurité nationale. Car, voyez-vous, derrière ces Maliens expulsés, il y aurait – sous-entendu à peine voilé – les ombres du crime organisé, du trafic d’êtres humains et, bien sûr, du terrorisme.

La ficelle est grosse, mais elle a le mérite d’être efficace. La Mauritanie, terre de transit devenue gardienne du temple européen, joue son rôle de gendarme sous les applaudissements discrets de ses partenaires occidentaux. Qu’importe si des ONG, comme l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH), dénoncent des rafles arbitraires et des expulsions aveugles. Qu’importe si, parmi les refoulés, certains avaient bel et bien leurs papiers en règle. L’essentiel est ailleurs. Montrer que l’État contrôle ses frontières, que la « pression migratoire » est sous contrôle.

L’hospitalité, un luxe et la solidarité, une simple chimère

Mais au-delà du cas mauritanien, cette énième expulsion met en lumière une réalité bien plus cruelle. L’Afrique de l’Ouest n’est pas cette belle communauté intégrée qu’on nous vend depuis des décennies. L’idéal panafricain de la libre circulation, inscrit dans les textes de la CEDEAO, se heurte ici à la froide réalité des expulsions massives. Hier, c’était l’Algérie qui renvoyait ses migrants subsahariens dans le désert. Aujourd’hui, c’est la Mauritanie qui ferme la porte. Et demain ?

Pendant ce temps, à Dakar, le gouvernement sénégalais hausse timidement le ton. La ministre des Affaires étrangères, Yacine Fall, parle de « traitements inhumains », promet des discussions avec Nouakchott, mais sans grand espoir d’un revirement immédiat. Que valent quelques protestations diplomatiques face à la logique implacable de la fermeture des frontières ?

Ainsi va le monde des sans-papiers africains, ballotés au gré des calculs géopolitiques, traités comme de simples chiffres dans des statistiques sécuritaires. Chassés d’un pays, rejetés par un autre, ils errent sans fin, pris au piège d’un continent où l’hospitalité est devenue un luxe et la solidarité, une simple chimère.

Chiencoro Diarra


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