Dans ce billet d’humeur incisif, l’auteur interroge l’engagement patriotique des Maliens face aux nouvelles taxes sur les télécommunications et le mobile money. « Mais où étiez-vous, donc… ? » lance-t-il, dénonçant avec virulence l’amnésie collective de ceux qui, hier encore, juraient de tout sacrifier pour le Mali. Aujourd’hui, ils refusent de payer leur dû, révélant ainsi une hypocrisie criante et un désengagement face aux sacrifices indispensables pour bâtir une nation souveraine.
La mémoire est-elle une denrée aussi volatile que le crédit téléphonique qu’on prétend aujourd’hui vouloir préserver à tout prix ? Depuis l’annonce en février du prélèvement sur les télécommunications et le mobile money, on assiste à un concert d’indignation, à une levée de boucliers quasi théâtrale. Or, il s’agit juste d’un prélèvement de 10 % sur toutes les recharges de crédit, et de 1 % à chaque opération effectuée. Mais hélas, de Bamako à Kayes, de Sikasso à Gao, les mêmes qui, hier encore, brandissaient l’étendard de la souveraineté, s’offusquent aujourd’hui d’un simple appel à contribution.
Une mesure qui frappe aussi l’armée et les bandits armés
Pourtant, ils étaient nombreux, ces patriotes autoproclamés, à jurer sur tous les toits qu’ils donneraient tout pour leur pays. « Rien n’est trop grand pour le Mali ! », semblaient-ils scandés dans les rues et sur les plateaux de télévision, ivres d’une indépendance reconquise. Mais il faut croire que l’amour de la patrie a ses limites, et qu’elles s’arrêtent exactement au seuil du portefeuille.
Ceux qui, aujourd’hui, fustigent l’État pour ces nouvelles taxes sont-ils frappés d’amnésie collective ou se complaisent-ils dans une hypocrisie devenue seconde nature ? Où étaient-ils lorsque le Mali croulait sous le poids du néocolonialisme économique, pieds et poings liés par des accords léonins ? Où étaient-ils lorsque les ressources du pays se dissipaient dans les méandres d’un système corrompu, bien avant l’irruption des militaires ? Certainement pas en train de brandir leur vertu ou leur indignation.
Soyons sérieux. Ces prélèvements ne sont pas une lubie bureaucratique. Ils financent un État en reconstruction, une armée qui, chaque jour, se bat pour que le citoyen lambda puisse passer son appel ou transférer son argent en toute sécurité. Ils frappent aussi – faut-il le rappeler ? – l’armée nationale aussi bien que les groupes armés terroristes ainsi que les milices qui ont prospéré dans le chaos et dont la dissolution est en marche.
L’heure n’est plus aux jérémiades
Certains, par mauvaise foi ou calcul, voudraient faire croire que cette taxe est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Soit. Mais qu’ils nous disent alors, ces experts en indignation, quelle alternative proposent-ils ? Qu’ils nous expliquent comment ils gouverneraient un pays en guerre, sous sanctions hier encore, sans lever des ressources supplémentaires. Il est facile de crier au scandale derrière un clavier ou dans un micro, mais mettez-les au pouvoir dans la situation actuelle, combien de temps tiendraient-ils ? Deux mois ? Même pas.
Car voilà la réalité, déconstruire est un exercice aisé, une posture confortable. Construire, en revanche, demande du courage, de la lucidité et, parfois, des sacrifices. Ceux qui refusent aujourd’hui ce petit effort devraient se souvenir qu’on ne bâtit pas une souveraineté sur des slogans, mais sur des actes. L’heure n’est plus aux jérémiades, mais à la responsabilité.
Chiencoro Diarra
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