Il a salué la démocratie, puis refermé la porte sans bruit. En livrant un État endetté jusqu’à l’os, Macky Sall n’a pas passé le témoin. Il a tendu un piège. À Diomaye Faye et Ousmane Sonko de le désamorcer sans y laisser leur légitimité.
C’est donc pour ça. Oui, c’était trop beau. Trop net. Trop élégant. Un président sortant, qui, après avoir muselé l’opposition, enfermé ses principaux adversaires et verrouillé l’espace public, se retire au dernier moment en saluant la victoire de ses bourreaux électoraux. Une leçon de démocratie, disait-on. Un modèle d’alternance pacifique. Et certains, déjà, rêvaient d’ériger Macky Sall en sage continental, prêt à siéger dans quelque panel de hauts médiateurs africains entre deux républiques à feu.
La prudence comme vertu
Mais à Dakar, comme ailleurs, il y a toujours une autre lecture. Une lecture moins médiatique, moins naïve, mais diablement plus lucide. Car on ne laisse pas un État en cadeau d’adieu quand on a passé plus d’une décennie à en contrôler chaque vis.
Macky Sall n’a pas cédé. Il a piégé. Il a tendu à Diomaye Faye et à Ousmane Sonko un État saturé, surendetté, piégé à l’excès. Une sorte de palais bien repeint en surface, mais aux fondations minées. Un pays à gouverner avec, pour seuls instruments, des tiroirs vides et des dettes invisibles.
L’ancien président n’a pas égorgé le poulet sur le linge blanc, comme on dit. Il a égorgé sous la nappe, discrètement, sans éclaboussures.
Il aurait suffi que Sonko et Faye, grisés par leur victoire, se jettent à corps perdu dans les nominations, les réformes, les symboles. Il aurait suffi qu’ils négligent l’ombre pour ne voir que la lumière. Très vite, l’odeur aurait monté. Très vite, les Sénégalais, promptement retournés, les auraient traités d’illusionnistes. Et le pays, encore engourdi par les déceptions passées, se serait enfoncé dans le chaos.
Ce n’est pas la façade qui compte, mais les fondations
Mais un homme averti, dit-on, en vaut deux. Et les nouveaux venus au pouvoir ont compris qu’avant de gouverner, il fallait savoir dans quoi on avait mis les pieds.
Leur premier réflexe n’a pas été de changer les rideaux du palais. Il a été d’ouvrir les comptes. De fouiller les bilans. De sonder la dette. Et ce qu’ils y ont trouvé dépasse les simples irrégularités comptables. C’est un système. Une architecture. Une dette cachée d’au moins 7 milliards de dollars, révélée par la Cour des comptes, confirmée par le FMI.
Un État livré comme un cheval de Troie, beau à l’extérieur, explosif à l’intérieur. La démocratie, ce n’est pas seulement perdre des élections. C’est aussi savoir ce qu’on laisse à ceux qui arrivent. Et à ce jeu-là, Macky Sall n’a rien d’un démocrate modèle. Il a le vernis, pas la sincérité. Il a soigné la sortie, mais piégé l’entrée.
Et comme toujours en Afrique, ce n’est pas la façade qui compte, mais les fondations.
Chiencoro Diarra
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