Home A la Une [ Billet d’humeur ] La valse des drapeaux en Afrique de l’Ouest

[ Billet d’humeur ] La valse des drapeaux en Afrique de l’Ouest

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L’Afrique de l’Ouest redéfinit ses alliances en réclamant sa souveraineté, tandis que la France voit son influence militaire reculer face à une nouvelle dynamique géopolitique.

Et voilà que la France est encore sommée de plier bagage. Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, c’est au tour du Sénégal et du Tchad de signifier la fin de leurs accords de coopération militaire avec Paris. Une rupture qui marque une étape supplémentaire dans un désamour grandissant entre l’Afrique de l’Ouest et son ancien partenaire privilégié. Les soldats français, naguère perçus comme des garants de sécurité, quittent désormais le continent dans une ambiance mêlant défiance, ressentiment et aspirations à une souveraineté retrouvée.

L’échec des stratégies sécuritaires menées par Paris

Mais il serait réducteur de voir dans ces départs successifs une simple question de logistique militaire. En réalité, c’est tout un paradigme géopolitique qui vacille. Les dirigeants ouest-africains revendiquent aujourd’hui avec vigueur une autonomie stratégique et cherchent à diversifier leurs partenariats. La Russie, la Chine, la Turquie et d’autres puissances pointent leur nez et se disputent désormais une région longtemps considérée comme l’arrière-cour de Paris. Ces réalignements ne sont pas qu’une question de caprice politique : ils traduisent un besoin urgent de tourner la page d’un héritage postcolonial devenu insupportable pour beaucoup.

Dans les rues de Bamako, Niamey ou Ouagadougou, le constat est amer. La présence militaire française, autrefois synonyme d’assistance, est désormais perçue comme une forme d’ingérence. Les drapeaux français brûlés lors des manifestations, les slogans hostiles, les revendications de départ : tout cela témoigne d’une rupture qui dépasse les élites politiques pour toucher les populations elles-mêmes. Le sentiment anti-français, qu’on aurait tort de réduire à un simple mouvement de manipulation extérieure, puise aussi dans un ras-le-bol généralisé face à l’échec des stratégies sécuritaires menées par Paris.

Renaissance politique ou simple réorientation stratégique

Mais la France est-elle seule responsable de cet échec ? On pourrait en débattre. Une chose est sûre : les discours de ces dirigeants ouest-africains, qui se veulent les porte-voix d’un continent libre et souverain, rencontrent un écho fort auprès des peuples. Et il y a là un paradoxe troublant : si ces leaders brandissent la souveraineté pour justifier le départ des troupes françaises, ils n’hésitent pas à courtiser d’autres partenaires étrangers, que ce soit la Russie ou la Chine et ses infrastructures financées à coups de milliards.

Alors, que penser de cette valse des drapeaux ? Est-ce une renaissance politique ou une simple réorientation stratégique ? Le mot « indépendance » flotte à nouveau dans l’air, mais est-il vraiment synonyme d’émancipation ? Oui, car selon les propos du ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, les pays ne visent que leurs intérêts. Alors que des pays refusaient de fournir des armes au Mali pour combattre les groupes armés terroristes, la Russie s’est porté volontaire et a soutenu ce pays. Il ne s’agit donc point d’un changement de maître, mais d’une quête de souveraineté. 

Reprendre la main sur son destin

Ce grand jeu des réajustements nous rappelle que l’Afrique de l’Ouest n’est pas un bloc figé. Elle cherche, teste, se trompe parfois. Et si la France en fait les frais aujourd’hui, peut-être y a-t-il là une leçon à retenir : les relations internationales ne se construisent pas sur l’héritage du passé, mais sur une capacité à se réinventer, à dialoguer d’égal à égal.

Pour l’heure, les soldats français se retirent, laissant derrière eux un vide qu’il faudra combler. Par qui ? Par quoi ? La réponse reste incertaine. Mais une chose est sûre : l’Afrique de l’Ouest a décidé de reprendre la main sur son destin, quitte à déstabiliser les équilibres d’hier. Une danse qui, si elle est bien orchestrée, pourrait annoncer un renouveau politique et géopolitique. Sinon, ce ne sera qu’un changement de partenaire sur une musique inchangée.

Chiencoro Diarra 


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