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Bamako : la colère de l’eau et l’indiscipline des hommes

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L’État malien, souvent pointé du doigt à tort, a su tirer les leçons des catastrophes passées pour anticiper l’hivernage 2025. Mais à Bamako, plus que les nuages, ce sont les mauvaises habitudes qui inondent les rues. Et si le vrai chantier de résilience n’était pas dans le béton, mais dans les mentalités ?

Il aura donc fallu que Bamako se retrouve, une fois de plus, les pieds dans l’eau et le cœur en désarroi pour que surgisse la question qui dérange : que peut bien un État, aussi prévoyant soit-il, face à une population qui refuse d’entendre raison ? En 2024, la capitale malienne a suffoqué sous les flots. Près de 100 morts, des milliers de sinistrés, des écoles en ruine, des routes effacées et des quartiers transformés en marécages urbains. Le Mali tout entier a payé, au prix fort, son tribut au changement climatique. Mais à y regarder de plus près, il n’est pas seul responsable de son malheur.

Bamako est victime d’un désordre entretenu et banalisé 

Les autorités maliennes, elles, n’ont pas fui leurs responsabilités. Dès août 2024, l’état de catastrophe nationale fut décrété. Des milliards ont été débloqués pour l’urgence, l’assistance humanitaire, le relogement et la remise en état des infrastructures. L’hivernage 2025, lui, a été anticipé avec des opérations de curage préventif de plus de 360 000 mètres de canaux et de collecteurs. Le projet PRUBA, financé en partie par la Banque mondiale, a vu ses moyens renforcés. Des écoles, des ponts, des stations de pompage, des réseaux d’assainissement sont en chantier. L’État a agi. Vite. Fort. Et avec méthode.

Mais voilà. Aucune politique de résilience urbaine ne peut réussir si elle ne s’appuie pas sur une citoyenneté responsable. Or c’est là que le bât blesse. Depuis des années, on construit n’importe où, souvent illégalement, dans les lits mêmes des marigots censés absorber les eaux de pluie. On jette les ordures dans les caniveaux, on obstrue les passages naturels, on détourne les plans d’urbanisme comme on contourne les lois.

Et lorsque les pluies viennent, on crie à l’injustice, on accuse l’État, on implore l’aide. Mais qui ose se regarder dans la glace ? Bamako n’est pas victime de la seule colère du ciel, elle est aussi la conséquence d’un désordre entretenu et banalisé par ses propres habitants. Ce n’est pas une accusation, c’est un constat.

L’incivisme, une maladie chronique

Alors, oui, l’État a sa part de responsabilité historique dans l’urbanisation anarchique. Mais ce nouveau Mali qui émerge, sous la conduite d’autorités conscientes des enjeux, a compris que gouverner, c’est aussi parfois imposé, trancher, et même démolir quand il le faut. La Commission nationale de libération des servitudes a été mise en place. Des centaines de constructions illégales seront rasées. Non pas pour punir, mais pour prévenir. Pour sauver. Pour reconstruire en mieux.

La vision « Bamako ville résiliente à l’horizon 2030 » ne sera pas qu’un slogan. Elle est un cap. Elle exige, de tous, une discipline nouvelle. Car l’État peut planifier, investir, protéger. Mais il ne peut pas curer les consciences à la place des citoyens. Et si l’eau est un fléau, l’incivisme, lui, est une maladie chronique.

Il est temps d’en guérir.

Chiencoro Diarra 


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