Au monde des eaux est une série de billets fictifs pour décrire certaines causes de la migration des jeunes. Cette première partie s’attèle à montrer les conséquences de la discrimination entre les enfants dans la famille.
La ville devenait de plus en plus calme. Les eaux des puits étaient dormantes. Les rues désertes. L’obscurité atteignait les demeures. Seuls quelques noctambules se promènent encore dans la rue. Puisqu’il est enseigné aux enfants de ne pas passer le crépuscule hors de la maison, ils sont tous chez eux. C’est le moment pour moi de regarder le feuilleton à la télévision nationale.
Avant la bourrasque
J’aime énormément suivre ce feuilleton entre 19 h et 19 h 30 min. Je m’assois confortablement pour éviter tout dérangement. Mais impossible d’être tranquille quand nous ne sommes pas bien aimés.
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Voici qu’un vendredi, assis dans mon coin, devant l’écran, à l’écart de tout le monde, pour éviter tout contact avec ma sœur Amina, que la voici venue troubler ma quiétude en rendant tous mes efforts quasiment vains.
Ce jour-là, je venais de comprendre qu’elle était inévitable pour moi. Qu’elle est pour moi comme la mort. Car quoi que nous fassions, nous croiserons le chemin de la mort. Ce qui m’a tout de suite fait rappeler ces propos de El Hadj Almatar Mahamar Touré : « Quand la mort donne rendez-vous à l’homme en un endroit déterminé, ce dernier use de tous les moyens à sa disposition pour être au rendez-vous à l’heure précise. »
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Mon rapport avec ma sœur était pareil. J’ai dû tout faire, je n’arrivais pas à l’échapper. La petite a tout eu avec notre père. Elle est la reine de la maison. Personne ne peut toucher à un seul de ses cheveux sans recevoir la colère du chef de famille. Tous ont peur d’elle non pas pour ce qu’elle est, mais pour ce qu’elle représente pour le grand chef.
Tout part d’une querelle de chaise. Sans aucune manière, elle me demande de lui remettre coûte que coûte la chaise sur laquelle je me trouvais. Pour ne pas polémiquer et attirer la rage de Pa, je la lui remets. Je prends un escabeau, pensant l’avoir évité, enfin, pour ce soir-là. Mais je n’avais rien compris encore. Le film terminé, nous nous sommes mis à manger en compagnie de nos parents, Tièfing et Musodjè. Je prends toujours mes écarts d’elle. Mais on dirait qu’elle cherche toujours à me nuire.
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L’inévitable se produit
Elle amène son site auprès du mien. Du coup, mon cœur se met à battre tellement forte que j’ai l’impression de perdre le souffle. Parce que je savais que quelque chose de mal risque de se produire. Elle se met à me taquiner jusqu’à me mettre hors de moi-même. Je lui donne une gifle. Tièfing se procure d’un gros bâton et se met à mes trousses. Il me conduit jusque dans la forêt profonde près du fleuve Bani. En courant derrière moi, il se lançait le bâton tout en prononçant : « Je vais en finir avec cet enfant maudit une fois que je l’attraperai ».
Au milieu de la forêt
Arrivé près du fleuve, je trouve l’idée de me cacher. Je trouve un arbre bien touffu. Sans aucune crainte, je me glisse dessous. Il me cherche en vain. Puisqu’il ne me retrouve pas, il retourne à la maison, très fatigué.
La nuit avance. Le village devient calme. Plus rien ne bouge. L’espoir de ma mère devenait minime. Elle demandait avec insistance et larme dans les yeux à son mari où je pouvais bien être ou ce qu’il m’aurait fait. Toujours angoissé, il garde le silence.
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Au milieu de la nuit, Musodjè n’était plus seule dans sa nuit blanche. Mes frères, Bina et Kountou, venaient de la rejoindre. Tous pleuraient déjà ma mort. Ils pensaient tous que notre papa m’avait éliminé pour de bon.
La bonne dame sortait de temps en temps pour regarder aux alentours de la maison afin de s’assurer si je n’étais pas caché quelque part. Mais en vain.
Puisqu’il fait nuit, elle avait peur de rentrer seule dans la forêt à ma recherche. Alors elle est pressée que le jour se lève.
Tout le village debout
Dès l’aube, elle se rend chez un ami à mon père pour raconter l’histoire. Soudain, tout le village a été inondé de la nouvelle. La famille est vite remplie de monde.
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La petite et son père prenaient petit à petit conscience des conséquences de leur haine. Ils se mêlent aux autres pour pleurer. Le vieux a été dans l’obligation d’expliquer l’aventure à la foule, et surtout la façon dont il m’a perdu entre les arbres. Personne ne le croyait sur parole. Alors, tout le village décide d’aller à ma recherche.
Personnages
De même que le billet est fictif, ces noms aussi le sont.
Amina : Ma sœur, âgée de 13 ans. Elle est l’emmerdeuse mondiale.
Kountou : la jeune sœur d’Amina. Âgée de 10 ans. Cette fille a une conscience d’adulte. Sa particularité, c’est la pitié pour les autres.
Bina : l’aîné de la famille, âgé de 15 ans.
Bafing : Le chef de famille au caractère brutal. Il est connu pour sa discrimination. Notre père.
Musodjè : la femme de Bafing. C’est la religieuse imperturbable. Elle est folle d’amour pour tous ses enfants.
A suivre !
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