Entre deux généraux, pas de formalités inutiles. Juste un cérémonial assumé, une posture commune et un message clair au reste du monde : la Confédération des États du Sahel (AES) n’est pas une alliance symbolique. C’est une colonne vertébrale politique en construction, soudée par les épreuves, les ruptures et les ambitions souverainistes.
Ce mardi 30 septembre 2025, le tarmac de l’aéroport international Modibo Keïta de Bamako a retrouvé l’allure des grands jours. À 10h précises, l’avion de transport de l’armée de l’air nigérienne s’est posé sur le sol malien. A son bord, le général Abdourahamane Tiani, Président de la République nigérienne. En face, pour l’accueillir : son allié et compagnon d’armes politiques, le Général d’armée Assimi Goïta, Président du Mali, mais aussi – et surtout – Président en exercice de la Confédération des États du Sahel.
L’union par les armes, le verbe et la volonté
À Bamako, la visite est décrite comme une visite d’amitié et de travail. La deuxième depuis l’arrivée de Tiani au pouvoir en 2023. Mais les mots sont parfois plus sobres que les enjeux. Car derrière les poignées de main, les hymnes (nigérien, malien, et celui désormais officiel de l’AES), et la revue militaire, c’est une architecture géopolitique alternative qui s’affirme, à rebours des modèles CEDEAO ou UA.
Acclamés par une foule dense de ressortissants nigériens vivant au Mali – symboles vivants de l’intégration sahélienne –, les deux généraux ont échangé brièvement dans la loge présidentielle avant de prendre la direction de Koulouba, pour un entretien bilatéral qui, selon nos informations, devrait déboucher sur des annonces structurantes pour l’AES et la coopération bilatérale Mali-Niger, notamment en matière de défense, d’investissements communs et de diplomatie régionale.
La Confédération, plus qu’un symbole
Depuis leur retrait fracassant de la CEDEAO, Bamako, Niamey et Ouagadougou ont misé sur un récit commun : celui d’une Afrique debout, débarrassée des tutelles néocoloniales, et désormais maîtresse de son destin. La Confédération AES – actée en juillet 2024 – en est l’expression institutionnelle. Mais il lui manquait encore une scène, un souffle, une incarnation.
La présence de Tiani à Bamako – après celle de Traoré à Ouagadougou il y a quelques mois – vient combler ce déficit de visibilité politique. C’est une manière pour ces régimes, souvent contestés à l’extérieur mais soutenus chez eux, par la diaspora ainsi que par plusieurs autres pays africains, d’inscrire leur projet dans le temps long, au-delà des cycles de transition.
Une alliance scrutée, redoutée, consolidée
Le programme de la journée s’annonce dense : tête-à-tête, élargissement aux membres des délégations, et prise de parole de Tiani à la presse. Rien d’anodin, car dans cette diplomatie de rupture, chaque geste est un message. L’unité affichée entre les deux hommes d’État est autant un gage de stabilité qu’un défi lancé aux chancelleries occidentales, souvent promptes à dénoncer ce qu’elles qualifient de “recul démocratique » au Sahel.
Mais à Bamako, le discours est tout autre. Ici, la souveraineté est un impératif, la démocratie un processus contextualisé, et l’unité sahélienne une réponse existentielle à l’insécurité et à la fragmentation régionale.
À l’heure où l’Afrique francophone recompose sa carte des alliances, l’image de Goïta et Tiani côte à côte, en uniforme, au cœur de la capitale malienne, vaut toutes les déclarations. C’est celle d’un axe assumé, consolidé, et prêt à s’élargir. Un axe qui croit à la souveraineté comme projet de civilisation. Et qui, pour l’instant, n’a ni l’intention de plier, ni celle de reculer.
Chiencoro Diarra
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