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Algérie-France : une crise consulaire de trop dans un climat géopolitique explosif

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Alors que les signaux d’un réchauffement diplomatique commençaient à poindre entre Paris et Alger, l’arrestation en France d’un agent consulaire algérien soupçonné d’implication dans l’enlèvement d’un influenceur hostile au régime de Tebboune ravive brutalement les tensions. Entre coups de menton judiciaires, accusations de provocation et spectres d’un passé jamais tout à fait digéré, les deux capitales semblent de nouveau s’éloigner, prisonnières d’un tête-à-tête où la défiance le dispute à la diplomatie.

Alors que ses relations avec le Mali s’enveniment, qu’Alger est accusée par Bamako d’avoir abattu un drone malien sur fond de tensions croissantes au Sahel, voilà que la diplomatie algérienne entre de plain-pied dans une autre zone de turbulence. Cette fois, c’est avec Paris que le ton monte, et avec une virulence inédite depuis des années. En cause, l’arrestation, en plein territoire français, d’un agent consulaire algérien, soupçonné d’avoir pris part à l’enlèvement d’un célèbre influenceur exilé, connu pour ses diatribes féroces contre le régime. Un épisode de haute tension dans un moment de fragilité extrême pour l’État algérien, qui se retrouve cerné sur plusieurs fronts.

L’incident consulaire qui fait déborder le vase

Le 12 avril, à Alger, le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères convoque d’urgence l’ambassadeur de France. Un geste rare, chargé de colère contenue. La raison ? L’interpellation musclée d’un agent consulaire algérien à Créteil, placé en garde à vue sans notification diplomatique. Une « atteinte flagrante aux conventions internationales », selon Alger, qui dénonce une « provocation préméditée » orchestrée par le Parquet antiterroriste français.

La réponse du pouvoir algérien est d’une fermeté inhabituelle. Ce n’est plus seulement une protestation, c’est une dénonciation en règle : « faconde anti-algérienne », « argumentaire vermoulu », « choix cynique des fossoyeurs de la normalisation ». Le ton est celui d’une rupture assumée. Et ce, alors même que l’Algérie affronte une crise ouverte avec son voisin malien, qui l’accuse d’acte de guerre en ayant neutralisé l’un de ses drones. Deux fronts diplomatiques, deux foyers d’incendie, une même crispation.

Pourtant, il y a à peine quelques semaines, un appel entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune faisait naître l’espoir d’une détente. Dialogue rétabli, promesses de coopération renforcée, climat apaisé. Mais les vieux démons ne dorment jamais très longtemps dans la relation franco-algérienne. Il aura suffi d’une affaire mêlant espionnage, justice et réseaux sociaux pour que le fil ténu de la confiance se rompe à nouveau.

Les vieilles blessures, jamais cicatrisées

Car derrière l’affaire AmirDZ — ce vidéaste exilé, à la verve acide et aux 3 millions d’abonnés — se rejoue l’éternel procès qu’Alger intente à Paris. Celui de l’asile offert aux dissidents, du refus d’extrader les opposants, et d’une justice française jugée à géométrie variable. Une justice prompte à poursuivre un diplomate algérien, mais si lente à instruire les dossiers transmis depuis Alger contre les activistes « liés aux organisations terroristes ».

L’Algérie, aujourd’hui, se retrouve donc à croiser le fer simultanément avec deux puissances — le Mali au Sud, la France au Nord. Deux crises qui, chacune à leur manière, révèlent la fragilité du positionnement algérien sur la scène régionale et internationale. À Bamako, on la soupçonne d’ingérence armée. À Paris, on l’accuse d’espionnage consulaire. Et dans les deux cas, Alger répond avec la même véhémence. Celle d’un pouvoir ébranlé, mais décidé à ne rien céder.

Un duel d’usure entre deux États en miroir

Si la France et l’Algérie ont des raisons de coopérer — lutte antiterroriste, gestion des flux migratoires, enjeux économiques — elles n’ont plus, semble-t-il, le langage commun pour le faire sans fracas. Chaque incident devient prétexte à rappeler les rancunes enfouies. L’arrestation de l’agent consulaire n’est donc pas un simple dérapage judiciaire. C’est un révélateur. Celui d’une relation malade, minée par l’histoire et lestée par une défiance mutuelle.

L’Algérie exige désormais la libération immédiate de son agent. Elle promet de « tirer toutes les conséquences » de cette affaire. Une menace à peine voilée qui pourrait geler pour de bon les efforts de rapprochement récents. Car dans cette relation passionnelle, où chaque geste diplomatique est interprété à travers le prisme du passé colonial, le réel — celui des intérêts et des susceptibilités — reprend toujours ses droits. Et il le fait, une fois de plus, dans le fracas.

Chiencoro Diarra 


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