Placée sous le signe de la justice réparatrice, l’édition 2025 de la Journée mondiale de l’Afrique réconcilie mémoire blessée, unité retrouvée et rêve encore à construire.
Le 25 mai, chaque année, le continent s’arrête, regarde derrière lui — et tente de deviner l’horizon. C’est une date à la fois officielle et intime. Officielle, car elle commémore la naissance de l’Organisation de l’unité africaine en 1963, devenue Union africaine en 2002. Intime, car elle convoque ce que l’histoire a d’inachevé : les blessures du passé, les cicatrices du présent, les rêves têtus d’un futur africain maîtrisé.
En 2025, la Journée mondiale de l’Afrique n’échappe pas à cette tension entre douleur et espérance. Placée sous le thème explicite « Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par le biais des réparations », elle porte une parole ancienne, mais encore insuffisamment entendue : celle de la mémoire exigeante.
De la mémoire à la réparation : un appel continental
La Commission de l’Union africaine, par la voix de son président Mahmoud Ali Youssouf, n’a pas choisi le confort diplomatique. Elle parle de justice. De réparation. D’appropriation. Pas de déclaration creuse, mais un positionnement clair : l’Afrique veut solder ses comptes avec l’histoire, non pour se plaindre, mais pour rebâtir.
Ce n’est pas un ressentiment. C’est un projet. Loin des hommages figés aux héros décolonisateurs, le 25 mai 2025 invite à repenser les responsabilités, redistribuer les mémoires, réclamer — sans violence — une reconnaissance mondiale des fractures héritées de l’esclavage, du racisme structurel, et de la dépossession historique.
Unité, mais sans uniformité
Ce que cette journée dit aussi, c’est que l’unité africaine n’est pas un slogan, mais un chantier. À Lomé, des danses traditionnelles. À Rome, un pèlerinage spirituel pour la paix. Ailleurs, des expositions, des colloques, des concerts, des poèmes, des silences. Chaque État, chaque ville, chaque diaspora l’interprète à sa manière.
Mais tous convergent vers un même principe : l’Afrique est plurielle, mais elle veut avancer ensemble. Cette aspiration collective, encore imparfaite, encore lente, est aujourd’hui incarnée dans les chantiers en cours : l’intégration économique, la liberté de circulation, les coopérations culturelles et éducatives, les dynamiques de paix régionales.
Et c’est peut-être là que réside l’angle mort des analyses habituelles : le panafricanisme de 2025 ne se proclame plus, il se pratique. Dans les politiques publiques, dans les marchés communs, dans les alliances de sécurité ou de recherche. L’unité est devenue méthode.
Le temps de l’Afrique, entre prière et planification
À Rome, ce jour-là, des voix s’élèvent dans un monastère autour d’un thème simple : « L’espérance de la paix en Afrique.» Prière œcuménique, certes. Mais aussi résonance symbolique. Car ce 25 mai, ce n’est pas seulement l’Afrique qui se parle à elle-même. C’est le monde qui l’écoute — parfois sans comprendre.
Oui, la paix est encore à faire. Oui, les conflits n’ont pas cessé. Mais ce que cette journée rappelle avec force, c’est que l’Afrique ne demande pas la permission de se transformer. Elle en prend les outils, la voix, et désormais les mots.
En 1963, Haïlé Sélassié appelait à l’unité comme à une urgence sacrée. En 2025, l’appel est le même, mais les termes ont changé. Ce n’est plus l’Afrique blessée qui parle. C’est l’Afrique debout, consciente de son poids, de son histoire et de son rôle. Le 25 mai, dans ses rituels, ses discours et ses silences, nous rappelle que le continent, loin d’être un problème à résoudre, est une vision à assumer.
Chiencoro Diarra
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