Il y a des missions qui semblent vouées à l’échec avant même d’avoir commencé. Et puis il y a celles confiées à Bassirou Diomaye Faye, récemment élu président du Sénégal, qui relèvent presque de l’utopie. La Cédéao a eu la brillante idée de nommer Diomaye Faye comme facilitateur dans les discussions avec l’Alliance des États du Sahel (AES). C’est une nouvelle casquette pour lui, mais une qui pourrait bien s’avérer trop grande.
Le sommet de la Cédéao du 7 juillet à Abuja, capitale nigériane, a désigné le chef de l’État sénégalais pour cette mission délicate, accompagné de Faure Gnassingbé, le président togolais. On pourrait penser que cette double nomination apporterait du poids à l’initiative, mais les premiers pas de Diomaye Faye ne sont pas des plus rassurants.
« La Cédéao reste ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être »
En mai dernier, Diomaye Faye s’est rendu au Mali et au Burkina Faso, des pays en rupture avec la Cédéao. Et qu’a-t-il accompli ? Pas grand-chose, si l’on en croit ses propres déclarations. « Je ne suis mandaté par aucune instance de la Cédéao », a-t-il insisté. Alors, pourquoi ce voyage ? Une prise de contact, dit-il.
La réalité est que Bassirou Diomaye Faye se retrouve dans une situation où les portes du dialogue sont non seulement fermées, mais où même les fenêtres semblent condamnées. Il le reconnaît lui-même : « les portes du dialogue sont certes fermées mais il ne faut pas non plus fermer les fenêtres et tirer les rideaux ». Une belle image, certes, mais qui sonne creux face à l’intransigeance des protagonistes.
Lors de cette visite dans les pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), il a exprimé le souhait que « la Cédéao reste ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être ». Une noble aspiration, mais peut-être un peu déconnectée de la réalité du terrain. Les trois pays de l’AES ont annoncé la création d’une confédération, un pas majeur vers leur indépendance vis-à-vis de la Cédéao, et ils n’ont manifesté aucune intention de revenir en arrière.
Ne rêvons pas trop !
Diomaye Faye, en bon diplomate, évoque le rôle particulier de la diplomatie sénégalaise. Mais à quoi bon cette respectabilité si elle ne peut influencer le cours des évènements ? Son mandat, dont les détails restent flous, consiste à « travailler à rapprocher les positions, à les réconcilier ». Ambitieux, mais réaliste ? Peu probable.
Il ne manque pas d’optimisme, espérant que d’ici la fin du délai de préavis fixé au 28 janvier 2025, « il y aura assez de discussions qui permettront de réconcilier les positions et de travailler à renforcer l’organisation ». Mais cet optimisme pourrait bien être mal placé. Les discours sur « une grande blessure au panafricanisme » et l’adaptation de la Cédéao aux réalités de son temps peinent à masquer le manque de stratégie concrète.
Diomaye Faye se lance dans une mission qui ressemble de plus en plus à une mission impossible. Les défis sont immenses, les positions irréconciliables, et les marges de manœuvre quasi inexistantes. Peut-être que la Cédéao aurait dû réfléchir à deux fois avant de lancer son nouveau président dans une telle aventure. En attendant, on peut seulement espérer que la « prise de contact » se transforme miraculeusement en succès diplomatique. Mais ne rêvons pas trop.
Chiencoro Diarra
En savoir plus sur Sahel Tribune
Subscribe to get the latest posts sent to your email.